Réduction des nitrates : une politique nationale toujours aussi faible
Après 2 ans de négociations, le programme d'action national pour réduire les Nitrates dans l'eau vient (enfin) d'être publié. Nous avons participé aux négociations nationales aux côtés de France Nature Environnement.
La directive Nitrates de 1991 se décline dans chaque État membre par une cartographie des zones dites "vulnérables" à la pollution de l'eau, et par la mise en oeuvre d'un "programme d'action dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole". Ces documents sont révisés tous les quatre ans : nous en sommes à la septième version !
La France a commencé par revoir sa carte nationale des zones vulnérables. Elle est parue le 1er septembre 2021. Verdict : la surface nationale de ces zones polluées ne cesse de progresser, atteignant un taux de 73% de la surface agricole (SAU) française ! La Bretagne reste, depuis le départ et sans surprise, classée vulnérable dans son intégralité...
Un Programme d'action national Nitrates inefficace
En parallèle, la France a engagé la révision de son programme d'action national nitrates (PAN) dans ces zones vulnérables dès novembre 2020 (notre réponse à la concertation en nov. 2020). Ce document définit des règles pour les agriculteurs situés en zone vulnérable, en terme de fertilisation azotée : calendrier d'interdiction d'épandage, stockage des effluents animaux, conditions d'épandage (distances aux cours d'eau, pente,...), principe d'équilibre de la fertilisation à la parcelle, tenue d'un plan et d'un cahier de fertilisation, plafond de 170kg d'azote organique par hectare de SAU sur la ferme, bandes enherbées le long des cours d'eau et plans d'eau, et couverture végétale des sols en période hivernale. Certaines de ces mesures sont ensuite déclinées et adaptées dans chaque région concernée, à travers des programmes d'action régionaux nitrates (PAR).
Les précédents PAN n'ayant pas entraîné de baisse des teneurs en nitrates, sauf les plus excessives, nous attendions à une certaine ambition pour ce nouveau plan. L’autorité environnementale en attendait tout autant puisqu'elle notait dans son rapport annuel 2021 : « Arrivés au 7e cycle, l’inefficacité des PAN successifs est manifeste comme celle de chacun des plans d’action régionaux nitrates, mais rien ne semble fait pour y remédier ».
En effet, le projet de PAN 7 proposé à la consultation du public à l'été 2022 consistait en un simple toilettage du PAN 6, avec même des dérogations supplémentaires ! En témoigne l'avis de l'Autorité environnementale sur ce projet : "Le PAN devrait être un levier de mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau visant à restaurer la qualité des écosystèmes. L’efficacité des précédents programmes d’action n’est ni évaluée ni démontrée. Les progrès sont limités, sans pouvoir les attribuer à ces programmes. Le projet en reste à des évolutions mineures, peu susceptibles de permettre l’atteinte du bon état des eaux, sans reprendre certaines propositions intéressantes de l’évaluation environnementale. Celle ci souligne d’ailleurs que certaines mesures sont constitutives d’un risque de « recul environnemental ». L’Ae considère qu’il est impératif de relever significativement les ambitions du PAN." (nov 2021). Notre contribution, avec FNE, à cette consultation du public précisait les points de divergence principaux.
Un programme sous pression
Le calendrier initial prévoyait la sortie des arrêtés PAN courant 2021. Mais ce n'est que le 9 février 2023 que les textes ont été enfin publiés au Journal officiel : arrêté ministériel PAN7 et arrêté ministériel relatif aux PAR 7 du 30 janvier 2023. Force est de constater que l'État a pris du retard... La profession agricole majoritaire n'a en effet eu de cesse de ralentir le processus de révision et de s'opposer à toute évolution du texte, pour, au final, réussir à bloquer la révision pendant plus d'un an !
Dans un premier temps, certaines mesures intéressantes ont été rapidement écartées (intercultures courtes avant céréales d'hiver). Puis, l'opposition s'est cristallisée sur quelques propositions d'avancées : plafond pour les apports sur prairie en automne, harmonisation du taux d'argile pour l'exemption de couvert hivernaux. Elle a même réussi à faire régresser le projet de texte en permettant l'ajout d'apport sur colza en automne !
L'État a donc reculé sur toutes ses propositions d'avancées ! Et aucune de nos propositions n'a été entendue : rien sur l’azote minéral ; rien,ou si peu, sur les intercultures courtes ; rien sur les cultures à risques (légumes sous serre et de plein champ, succession de maïs…) ; aucune ambition ou mesures profitant également aux enjeux de la qualité de l’air…
Les discussions pour la déclinaison régionale du PAN reprennent
La sortie d'un autre texte national lié au PAN est encore attendue. Celui-ci fait également débat : le nouveau dispositif sur les zones d'actions renforcées (notamment les captages d'eau potable)...
Cependant, les discussions pour la déclinaison régionale du PAN, le programme d'action régional Nitrates (PAR7), vont enfin pouvoir reprendre, la profession agricole majoritaire ayant fait part de son satisfecit et de la fin de son boycott...
Nous porterons la voix des rivières et des eaux littorales polluées, pour non seulement éviter les régressions, mais exiger des avancées !