Sécheresse épisode 8 : où en sommes-nous ?
Le retour régulier de pluies laisse penser que l’étiage 2025 pourrait bientôt s'achever. Il a semblé utile de faire un rapide premier retour d'expérience pour cette année 2025.
La présente note s'appuie sur notre exploitation des données piézométriques, pluviométriques et hydrologiques publiques, et sur les remontées des Comités départementaux de Gestion de la Ressource en Eau (CGRE) des quatre départements bretons, ainsi que de tous les documents administratifs dont nous avons pu prendre connaissance. Elle essaie de cerner les pistes de progrès pour l'avenir. D'ores et déjà, l'étiage 2025 doit être considéré comme moins sévère que 2022, même si des tensions fortes ont été observées et plusieurs demandes de dérogation au débit réservé ont été instruites et accordées. Un point exhaustif de ce sujet reste à faire. 1976 reste la grande référence régionale. Ce qui en a surpris plus d'un est le passage rapide d'une période de crue assez rare sur le bassin de la Vilaine suite aux pluies de janvier, et le basculement en étiage marqué six mois plus tard. Pourtant, le risque était constatable dès début mai, et probable mi juin (cf nos points de situation publiés sur notre site internet).
1- Les données de suivi : dégradation et progrès
La fiabilité des données météo se dégrade, tant à moins de 5 jours que dans les perspectives jusqu'à 15 jours. Cette instabilité porte tant sur la date d'apparition des pluies (le retour des pluies a progressivement reculé du 25 août au 27 par exemple en une semaine) que sur les cumuls indiqués qui ont été sous évalués de 40% et plus, tant pour l'épisode du 21/26 juillet, que pour la fin août début septembre. A cela, il faut additionner des phénomènes orageux, comme celui observé en centre Bretagne et annoncé peu d'heures avant sa survenue. Ceci semble en rapport avec un calage des modèles météorologiques sur les décennies passées, mal approprié au contexte actuel de températures élevées. Ces évolutions conduisent à une augmentation sensible de l'incertitude sur la détermination des débits à venir au-delà de 5 jours, qu'ils soient envisagés par modèle de tarissement d'années sèches (ERB) ou à partir du modèle de prévision probabiliste mis à disposition des DDTM. Le recours à l'IA dans la mesure où le passé récent ne peut servir d'apprentissage compte tenu des évolutions très rapides observées ne semble pas constituer une solution miracle. Les données hydrométriques sont largement utilisées pour définir les seuils de gestion. Malgré un suivi renforcé en étiage, elles ne sont pas intangibles du fait d'évènements propres à chaque site (cf Penzé, 29; Seiche, 35...). Le signalement des ajustements sur le site hydrologieBretagne est un progrès.
A souligner des difficultés persistantes, sur la Vilaine aval où les débits sont incohérents entre les trois sites de mesure sur une rivière aménagée navigable, très large à l'aval. Plusieurs autres stations ont une utilité incontestable en hydrologie générale ou de crue, mais sont inadaptées à la gestion de la ressource en période sèche en raison d'influences fortes par soutien de débit (Blavet à Plélauff, et aval de Guerlédan Vilaine amont, Oust à Pleugriffet...) ou prélèvement immédiatement amont (Goyen à Pont-Croix, 29).
Les données du réseau Onde méritent un investissement méthodologique pour apprendre à mieux les utiliser.
Les courbes de vidange de barrage avec analyse fréquentielle se sont généralisées et sont incontestablement utiles. Celle de la retenue du Drennec est attendue.
2- Gestion de la situation
La gestion par secteurs a semblé opérationnelle et utilisée de manière différentiée et semble-t-il compréhensible pour le public, y compris lors de l'allègement des contraintes applicables dans certaines zones du Morbihan. Seul le Finistère a choisi de basculer l'ensemble du département en alerte, alors que seule la moitié sud rencontrait une situation délicate. La coordination interdépartementale est plutôt bonne, sauf sur le bassin Ellé-Isole-Laïta (29/56)
Le zonage est sans aucun doute à revoir dans les Côtes d’Armor, où la situation du Blavet amont n'a pas été identifiée précocement alors qu'elle était visible, conjointement avec la partie amont du Leff et du Léguer.
Les valeurs fixées pour les seuils méritent une révision sur plusieurs sites de mesure ( l'Isole, la Mignonne et la Douffine en 29, intervalle temporel entre deux seuils discutables en 22).
D'une manière générale, les réunions des CGRE ont été tenues à un rythme adapté à la situation
3- L'alimentation en eau potable
La détection relativement précoce du risque d'étiage a conduit les gestionnaires de réseau à mobiliser le plus longtemps possible les ressources sur rivières et à faire jouer les interconnexions pour préserver les stocks en retenue, avec des transferts à longue distance. Le cas de la retenue de Kerné Uhel (22) sur le Blavet amont a été nettement plus difficile, l'absence de mesures dès juin a été regrettable.
Il en est de même pour la retenue de Tréauray, et la possibilité d'assurer la bonne alimentation en eau potable de la zone Auray-Quiberon depuis les usines situées sur le Blavet. Une réanalyse des disponibilités et de la croissance démographique prévue de la bande côtière du Morbihan est indispensable.
Des demandes de dérogation au respect du 1/10e du module ont été faites dans tous les départements. Nous n'avons pu en faire une liste exhaustive à cette date, ni de leurs durées d'utilisation. Il convient de réanalyser leur fréquence, qui, quand elle revient trop souvent, justifie un travail de fond (cas de l'usine de Pont Maria sur le Goyen (29) , ...).
4- Autres aspects
L'évaluation de l'effet des mesures, tant sur la consommation d'eau potable que sur les prélèvements en rivière reste un "trou noir" de la politique de gestion de la ressource en eau.
Un point avec l'inspection des installations classées sur l'avancement des plans de gestion sécheresse est indispensable. Compte tenu du nombre et de la taille des IAA en flux poussé en Bretagne (abattoirs, laiteries), un examen attentif est à réaliser pour identifier les mesures qu'elles peuvent mettre en œuvre.
La question du report des consommations agricoles d'élevage assurées en base par des ouvrages privés, mais se reportant sur le réseau public en cas de diminution de production, voire d'assec, est à approfondir. Les exploitants sont tenus d'assurer un relevé mensuel des quantités prélevées, et de tenir cette information à la disposition des services de l'Etat. Mais cette information n'est pas mobilisée alors que le poids cumulé de ces prélèvements est estimé à 18% des prélèvements bruts industriels + AEP + irrigation pour la région ! Toute bascule vers le réseau public génère une augmentation significative de la demande alors que la saison touristique bat son plein.
Diverses initiatives de sensibilisation des acteurs du tourisme ont été prises, tant au niveau interprofessionnel que des collectivités distributrices. Un échange sur les résultats obtenus serait utile à tous.
