Milieu marin | l'Etat refuse de se donner les moyens de voir ce qu'il se passe

16 octobre 2025
Milieu marin | l'Etat refuse de se donner les moyens de voir ce qu'il se passe

Le projet d'arrêté ministériel a fait l'objet d'une consultation publique du 15/07/2025 au 16/10/2025.

Notre mouvement associatif vient de remettre son avis, il est copieux !

Le bon état écologique (BEE) du milieu marin découle de la droite ligne de la directive cadre pour la stratégie du milieu marin (DCSMM) qui date de 2008.

Alors que le bon état écologique du milieu marin devait être atteint en 2020, non seulement, ce bon état n'est pas atteint, mais en plus, nombre de critères ne TOUJOURS pas fixés en 2025 et lorsqu'ils le sont, ils sont pour beaucoup NON PERTINENTS. 

 

L'Etat refuserait-il de se donner les moyens de voir ce qu'il se passe ?

 

Le bon état écologique du milieu marin : 11 descripteurs à définir

Alors, d'abord, pour y voir clair, le bon état du milieu marin est apprécié à travers 11 descripteurs  ou 11 compartiments pour être plus simples.

Voici la liste de ces 11 descripteurs : 

  • Descripteur 1 : diversité biologique | La qualité des habitats et leur nombre ainsi que la distribution et l’abondance des espèces doivent être adaptés aux conditions physiographiques, géographiques et climatiques existantes
  • Descripteur 2 les espèces non indigènes. | Les espèces introduites par le biais des activités humaines doivent se maintenir à des niveaux qui ne perturbent pas les écosystèmes
  • Descripteur 3 : espèces exploitées. | Les populations de poissons et crustacés exploités à des fins commerciales doivent se situer dans les limites de sécurité biologique et présenter une répartition de la population par âge et par taille qui témoigne de la bonne santé du stock
  • Descripteur 4 : réseau trophique marin. | Les composants connus de la chaîne alimentaire marine doivent être présents en abondance et diversité normales, et à des niveaux pouvant garantir le maintien complet des capacités reproductives des espèces à long terme 
  • Descripteur 5 - Eutrophisation. | Cette forme de pollution d’origine humaine, qui induit appauvrissement de la biodiversité, dégradation des écosystèmes, prolifération d’algues toxiques et désoxygénation des eaux de fond doit être réduite au minimum
  • Descripteur 6 : Intégrité des fonds marins. | La structure et les fonctions des écosystèmes doivent être préservées et les écosystèmes benthiques, en particulier, ne pas être perturbés.
  • Descripteur 7 les conditions hydrographiques. | Une modification permanente des conditions hydrographiques ne doit pas nuire aux écosystèmes marins
  • Descripteur 8 : contaminants. | Le niveau de concentration des contaminants ne provoque pas d'effets dus à la pollution.
  • Descripteur 9 : Questions sanitaires. | Les quantités de contaminants présents dans les poissons et autres fruits de mer destinés à la consommation humaine ne doivent pas dépasser les seuils fixés par la législation communautaire ou autres normes applicables.
  • Descripteur 10 : Déchets marins. | La nature et les quantités de déchets marins ne doivent pas provoquer de dommages au milieu côtier et marin.
  • Descripteur 11 : Bruit sous-marin. | L’introduction d’énergie, y compris de sources sonores sous-marines, doit s’effectuer à des niveaux qui ne nuisent pas au milieu marin.

 

Tels que ces descripteurs sont décrits, nous pourrions nous dire "le programme de surveillance à l'air bien, c'est complet... avec ça, on devrait savoir dans quel état se trouve vraiment le milieu marin !" 

Oui, mais comment ces 11 descripteurs sont-ils définis ? quelles sont les méthodes employées, quelles sont les données utilisées ? quelles sont les valeurs seuils retenues, sont-elles pertinentes ?

Le projet d'arrêté soumis à consultation fait une proposition....après une lecture attentive de ce document ; quelle déception !

 

Nos critiques sont vives et nombreuses !

Nos critiques sont vives, notre document fait plus de 20 pages, nous avons analysé chaque descripteur à la loupe. Aucun sauf un ne franchit les fourches caudines ni des méthodes proposées, ni des seuils retenus. 

Le seul descripteur qui nous paraît au moins répondre aux attentes de nos engagements européens est le descripteur 10 sur les déchets marins.

1/ Les informations mises à disposition lors de la consultation sur ce projet de révision de la définition du bon état écologique sont très insuffisantes ; le processus de révision est inconnu, et la consultation ne cite ou ne fournit aucune référence de travaux scientifiques ou de comptes-rendus de groupes de travail qui pourraient justifier les modifications introduites dans cette révision.

2/ L’analyse des évolutions proposées soulève des interrogations sérieuses : interprétation discutable des décisions européennes, études et recommandations européennes ou
nationales non prises en compte, absence de définition des éléments et indicateurs du BEE ou absence de méthodologie pour de nombreux critères, référence à des connaissances
insuffisantes alors qu’il existe des travaux reconnus, etc.

 

La nouvelle définition proposée ne permettra pas d'évaluer l'état du milieu marin

Au bilan, France Nature Environnement Bretagne et Pays de la Loire estiment que la nouvelle définition proposée par ce projet n’est pas satisfaisante, et ne pourra pas permettre d’évaluer l’état de l’environnement vis-à-vis du bon état écologique, de définir des objectifs environnementaux et des programmes de surveillance pertinents, et enfin de définir des programmes de mesures associés à des indicateurs et des métriques permettant d’en mesurer les effets et d’évaluer les progrès vers l’atteinte du bon état écologique.

 

L'exemple du descripteur 8 sur les contaminants

Le projet d’arrêté indique pour ce descripteur que « La détermination de l’atteinte du bon état écologique au titre du descripteur 8 n’est pas requise par la décision 2017/848/UE. Aucune
intégration n’est donc effectuée et les résultats de l’évaluation de chacun des critères sont présentés séparément. »
Les résultats du descripteur 8 ont été consolidés "à dire d’expert".
Puis, un tableau listant un certain nombre de substances est présenté avec des valeurs seuils fixés pour trois espèces de coquillages bivalves filtreurs.
Cette lecture de la décision 2017/848/UE (qu’on retrouve pour plusieurs descripteurs) est tout à fait discutable, dans la mesure où il n'est pas expressément écrit que l'atteinte du BEE du
descripteur 8 n'est pas requise, mais que : "le nombre de critères que les États membres doivent surveiller et évaluer devrait être réduit, en appliquant aux critères retenus une approche par le risque afin de permettre aux États membres de concentrer leurs efforts sur les principales pressions anthropiques ayant un impact dans leurs eaux" (considérant n°6)… "

Or, au vu des engagements de la France, elle ne peut pas s’affranchir d’une définition du bon état écologique du milieu marin au titre du descripteur 8. La France est notamment partie à la
convention OSPAR, ce qui renforce d'autant son devoir d'atteindre le bon état du milieu marin au titre de ce descripteur. Cette convention prévoit dans son article 6 une obligation d'évaluation de la qualité du milieu marin.
"Article 6 Évaluation de la qualité du milieu marin
Les parties contractantes, conformément aux dispositions de la convention, en particulier dans les conditions prévues à l'annexe IV :
a) établissent et publient conjointement à intervalles réguliers des bilans de l'état de la qualité du milieu marin et de son évolution, pour la zone maritime ou pour les régions ou sous-
régions de celle-ci ;
b) intègrent dans ces bilans une évaluation de l'efficacité des mesures prises et prévues en vue de la protection du milieu marin ainsi que la définition de mesures prioritaires."

La décision 2017/842/UE prévoit que "Les valeurs seuils devraient également être établies sur la base du principe de précaution (nous retrouvons ici les termes de la convention OSPAR) et
prendre en compte les risques potentiels pour l'environnement marin" (considérant 13).
De notre point de vue, la contamination chimique des milieux côtiers est très préoccupante, il est donc inconcevable que le descripteur 8 soit traité comme une option
dans l'atteinte du bon état écologique du milieu marin.
D’autant qu’on dispose de jeux de données intéressants grâce aux réseaux de surveillance du milieu (ROCCH et REPHY) pour déterminer et suivre le descripteur 8.

En outre, les critères reposent également sur le suivi de contamination du milieu marin par les pesticides.
Au vu des listes des produits analysés, il nous semble indispensable d'ajouter des critères complémentaires. En effet, ces listes montrent un besoin d'actualisation par rapport aux
évolutions des pratiques agricoles et donc de la modification des contributions des contaminations du milieu marin via les rivières et les ruisseaux côtiers. Le réseau de
surveillance CORPEP (réseau de suivi de la qualité des eaux en produits phytosanitaires) peut utilement aider à cette actualisation.
Les top 10 ou 15 des réseaux de surveillance doivent servir de base pour définir le BEE, les métabolites y sont majoritaires, et ils ont une longue DL50 (la dose létale médiane (DL50) est
un indicateur de la toxicité d'une substance ou d'une irradiation. Elle mesure la dose causant la mort de 50 % d'une population animale dans des conditions précises.)
- les triazoles utilisées sur les céréales dont le tébuconazole
- les pyréthinoïdes (lamda-cyalothrine, ...): cette famille est hydrophobe : elle ressort mal dans les analyses d'eau, mais beaucoup plus avec les capteurs passifs.
- les herbicides de grandes cultures, quasiment tous classés toxiques pour les milieux aquatiques et les poissons. (Certains présentent des métabolites très encombrants). Nous citons ici le S-métolachlore (et ses métabolites) interdit récemment (en novembre 2024), le métazachlore et ses métabolites ESA et OXA, etc.
- les produits actuels de traitement du bois doivent aussi être inclus dans la surveillance : cyperméthrine, et les antifoulings (TBT) et additifs enduits de maisons (tel que le diuron)

S'agissant de la liste des contaminants proposés, des pesticides utilisés massivement sur nos territoires n'y figurent pas. On invisibilise donc des substances pourtant bien présentes
dans nos milieux (cours d'eau puis côtiers) : par-exemple le métolachlore déjà cité (un herbicide du maïs épandu sur toutes nos parcelles et ayant contaminés tous nos points de
pompage d'eau brute).

On peut noter qu'il manque une méthodologie associée à l'évaluation des substances listées dans le tableau. A quelle fréquence ces substances seront mesurées ? quelles sont les
stations de mesure ? Nous relevons par-ailleurs qu'aucun rapport d'évaluation sur ce contaminant n'a été transmis, à tout le moins en Conseil Maritime de Façade.
Pourtant, la décision 2017/842/UE prévoit pour chaque critère "une exigence de notification des éléments constitutifs des critères, des valeurs seuils et des normes méthodologiques"
Enfin, la définition du critère D8C2 Effets des contaminants sur les espèces et les habitats est insuffisante.
On cite juste ici : Imposex sur les gastéropodes (Nucella lapillus)…. ie un biomarqueur unique, qui reflète surtout l'impact du tributylétain (TBT) sur la physiologie de la reproduction de ce
mollusque... et rien d'autre !

Cette espèce étant sensible à certains polluants (imposex, c'est-à-dire masculinisation des femelles en présence de TBT, produit chimique autrefois très utilisé dans les antifoulings et
encore autorisé sur les grands navires et/ou navires militaires, selon les pays) elle est considérée comme espèce-sentinelle et utilisée comme bio-indicateur. Mais elle ne reflète
que cette source de contamination.
Cette définition du critère D8C2 aussi réduite est ici assez troublante, quand on sait que la pollution est la deuxième cause majeure de l'effondrement de la biodiversité.
Or, on sait mettre en œuvre en écotoxicologie aquatique, sur des espèces sentinelles (mollusques & poissons), de nombreux marqueurs biologiques en réponse à la contamination
chimique qui permettent de caractériser leur état de santé :
- Réponses moléculaires (avec les outils de la biologie moléculaire qui produisent des données biologiques de masse)
- Biomarqueurs (biochimiques, histologiques, physiologiques)
- Traits de vie (croissance, indice de condition, fécondité, fertilité,...).
Ces marqueurs sont totalement absents dans le projet d'arrêté.

En fait, nous relevons ici aucune tentative de mettre en vis à vis les résultats de la contamination chimique, avec les réponses biologiques des organismes marins impactés par
une possible pollution.
C'est tout à fait regrettable, car les analyses chimiques sont parfois insuffisantes, par exemple parce qu’on n'a pas analysé la bonne substance (en clair, en chimie
analytique, on ne peut quantifier que ce que l'on cherche) et donc la biologie peut apporter un complément particulièrement pertinent sur le risque chimique auxquels peuvent être
exposés les organismes aquatiques.

Non seulement, la listes des contaminants du critère D8C1 est insatisfaisante, car non actualisée, mais elle n'est même pas corrigée par une surveillance de l'état de santé des
organismes marins (critère D8C2), alors que cela serait possible. Pour cela, il faut étendre la liste des biomarqueurs.
Les réponses biologiques sont incontournables en écotoxicologie aquatique en sus de la chimie des polluants ; elles seront d'autant plus utiles si on dispose du bon site à
échantillonner, du bon modèle biologique et de bons marqueurs biologiques...

 

Pour tous les autres descripteurs, la situation est quasiment analogue....nous vous invitons à lire notre avis dans son intégralité...ça vaut son pesant d'or !

 

Notre avis intégral

Le projet d'arrêté soumis à consultation

Le guide méthodologique qui l'accompagne

 

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