La sécheresse, un problème en Bretagne ?
Avec deux vagues de chaleur successives, juin 2025 est le second mois de juin le plus chaud jamais enregistré en France : + 3,3 °C par rapport à la normale contre + 3,6 °C en juin 2003. Des records de température ont été battus dans de nombreuses villes le 30 juin, y compris en Bretagne : 35,5 °C à Pommerit-Jaudy (22), 36 °C à Lanleff (22) et Dinard (35) et 37,7 °C à Arbrissel (35). Un début d'été qui annonce la sécheresse... Quelles sont les conséquences d'un manque d'eau pour nous et la biodiversité, quels solutions et moyens d'adaptation, comme évolue la situation en Bretagne... ? Notre série d'été "Sécheresse" analyse cette crise de l'eau qui devient de plus en plus récurrente et alarmante. Épisode 2 : La sécheresse, un problème en Bretagne ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire pour notre région réputée pour sa pluviométrie, la Bretagne est sensible aux sécheresses !
En effet, malgré un climat océanique tempéré typique, il existe d’importantes disparités territoriales : l’ouest du massif armoricain reçoit deux fois plus d’eau que le bassin rennais qui a une pluviométrie similaire à celle de Montpellier. La zone côtière sud est elle-aussi relativement "sèche". Du fait de sa géologie de granites et de schistes, il n'y a pas de nappe souterraine importante en Bretagne : nous puisons les 3/4 de notre eau potable au fil des rivières et dans des retenues par barrage.
Et si, pour l’instant, le dérèglement climatique ne se traduit pas en Bretagne par une baisse des précipitations sur l’année, on constate déjà une modification de la dynamique des pluies : de moins en moins de « crachin breton » et de plus en plus de pluies abondantes. Or, cela réduit la proportion de l’eau qui s’infiltre dans les sols au profit du ruissellement. Une situation qui est aggravée par une artificialisation importante des sols en Bretagne, 3ème région de France la plus artificialisée. Résultat : de graves inondations comme celles de janvier 2025.
La Bretagne est donc dans une situation de fragilité importante qui va s’aggraver en raison du changement climatique.
Comment savoir si on est en situation de sécheresse ?
Il existe non pas une, mais des sécheresses, qui peuvent se cumuler :
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La sécheresse météorologique ou atmosphérique qui est liée à une absence de pluie ou de très faibles précipitations pendant une période prolongée ;
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La sécheresse agricole qui désigne l’incidence directe de ce manque de pluie sur les sols et la végétation. Elle est plus ou moins marquée selon la nature du sol et son degré d’humidité, mais également des types de plantes et des pratiques culturales ;
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La sécheresse hydrologique se produit quand les nappes ont des niveaux bas et/ou que les cours d’eau ont des débits faibles à très faibles. Elle peut être la conséquence d’une sécheresse météorologique prolongée, mais aussi celle d’une surexploitation des ressources en eau.
Le niveau des nappes fin avril permet d'évaluer la fragilité potentielle de la situation hydrologique.
Pour déterminer si un territoire est en situation de sécheresse, on mobilise plusieurs indicateurs. On examine en priorité le niveau des barrages pour l’eau potable et le débit de divers cours d’eau sélectionnés. On compare la situation en cours aux valeurs statistiques issues des années de sécheresse précédentes (en général, 4 à 6 années sur 50 mesurées). Si les niveaux descendent en dessous de certains seuils, alors la petite zone géographique à laquelle ils sont rattachés se voit prescrire des mesures de limitation des usages via un arrêté sécheresse. Cette analyse est complétée par d’autres indicateurs qui permettent de préciser la gravité de la situation :
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le bilan hydrique des derniers mois et donc le niveau de sécheresse des sols ;
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la présence d’assecs des petits cours pour d’estimer l’impact sur la biodiversité ;
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les prévisions météorologiques (température, évaporation par les plantes, pluviométrie) des prochains jours ;
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les cas particuliers (travaux sur un barrage le rendant inutilisable, pollutions… ).
L’arrêté cadre sécheresse
L’arrêté cadre sécheresse est l’arrêté du Préfet départemental qui définit des secteurs géologiquement, climatiquement et hydrologiquement homogènes sur lesquels peuvent s’appliquer des mesures de restriction ou d’interdiction temporaire des usages de l’eau en fonction de l’état des nappes, des cours d’eau et des retenues destinées à l’alimentation en eau potable.
Les mesures sont graduées en quatre niveaux de gravité :
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la vigilance : information des usagers pour qu'ils adaptent leurs pratiques ;
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l’alerte : mise en œuvre de premières mesures de restrictions ;
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l’alerte renforcée : niveau de contraintes plus fortes ;
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la crise : limitation forte des usages, pour tous les utilisateurs (particuliers, agriculteurs, industriels…) et interdiction possible de certains usages très consommateurs d’eau.
Les mesures sont décrites dans chaque arrêté préfectoral selon une grille nationale adaptée aux spécificités locales. Les arrêtés sont disponibles sur le site internet de chaque préfecture et sur le site VigiEau (attention le site n’est pas toujours à jour ni complet). Ils concernent, par exemple les conditions d’arrosage des jardins, des potagers, des golfs, la mise en œuvre de limitations d’usage dans les installations classées pour la protection de l’environnement, les conditions d’irrigation en agriculture.
Comment est appliqué l’arrêté sécheresse ?
La gouvernance est assurée par le Comité de gestion de la ressource en eau (CGRE). C'est un espace d'échanges et de concertation sur la gestion quantitative de la ressource en eau. Il est présidé par le Préfet, composé de 3 collèges (État, collectivités et usagers) et représente tous les acteurs de l’eau. Le collège des usagers doit notamment comprendre des associations de protection de l'environnement.
Il se réunit au moins une fois dans l'année mais cela peut-être beaucoup plus lorsque la situation l'exige, comme cette année. Les contrôles de terrain sont réalisés par des services spécialisés.
En fin de période de sécheresse (ou d'étiage), il est présenté en CGRE le bilan de l'année écoulée sur le plan hydrique et sur le plan des arrêtés et dérogations afin de vérifier l'efficacité des mesures mises en œuvre.
Ces mesures sont-elles suffisantes ?
Le dispositif est encore un peu en rodage en Bretagne en ce qui concerne les seuils de débits ou les niveaux critiques pour les réserves en barrage. Ils sont souvent peu adaptés à des sécheresses précoces. Par ailleurs, les effets des mesures sur la consommation d’eau sont peu étudiés, à notre grand regret. Car les restrictions sont plus mobilisatrices si chacun sait que l'autre fait des efforts, quel que soit l'usage. Entre croissance démographique annoncée, augmentation des températures, régime des pluies modifié, notre région océanique a, elle aussi, de très sérieux défis à relever !
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