Mines, des conséquences sur l'eau

11 juillet 2017
Mines, des conséquences sur l'eau

Avec la bénédiction des services de l’État, la Bretagne deviendrait un nouvel eldorado. Et si la richesse de notre région n'était pas plutôt son extraordinaire réseau hydrographique ?

 

Du fait de leur géologie, les départements bretons abritent de nombreux gisements métallifères de nature et d’importance variable. L’inventaire minier confié au BRGM depuis 1975 a conduit à l’identification de "cibles minières" dont certaines ont fait l’actualité il y a quelques années (Permis Exclusifs de Recherches Minières de Loc Envel, Silfiac et Merléac) et aujourd’hui avec le gisement de lithium de Tréguennec (Finistère). Les pouvoirs publics multiplient les déclarations rassurantes sur la mise en place de "mines responsables", qualificatif qui interroge tout un chacun s’agissant de ressources non renouvelables, et ce d’autant plus que nombre de d’ingénieurs géologues miniers et d’associations environnementales n’hésitent pas à qualifier ce concept de "science-fiction" en raison des conséquences délétères de toute extraction minière pour l’environnement et la santé.
Focus sur les impacts sur l’eau et les milieux aquatiques de l’activité minière, en Bretagne particulièrement.

 

Autrefois réputé imperméable, le Massif armoricain abrite en fait dans des formations altérées épaisses, dans les failles et fractures de son sous-sol des quantités d'eau souterraines en quantité appréciable dont les émergences alimentent sources, puits et fontaines, zones humides, et… cours d'eau. Le programme SILURES du BRGM a d'ailleurs permis d'évaluer leur contribution au débit des cours d'eau pour entre 35 et 70 % selon les bassins versants, leur nature géologique et la saison (presque 100 % en étiage).

 

Saccage des têtes de bassin versant

Les zones ciblées par les demandes de permis sont souvent des têtes de bassin versant "châteaux d’eau" dotés d’un chevelu dense qui donne à son tour naissance à de nombreux cours d’eau. Rappelons que 70 % de l’approvisionnement en eau potable en Bretagne provient de captages de surface, le solde provenant de forages et puits. La protection de la qualité des eaux superficielles et souterraines est donc cruciale tant en termes de santé publique, que d’économies et d’environnement. Le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux du bassin Loire Bretagne 2016-2021 impose d’ailleurs assurer la préservation de ces têtes de bassin versant dans son chapitre 11. Sa version 2022-2027 protège aussi une trentaine de nappes profondes identifiées ces dernières années comme d’intérêt stratégique pour l’eau potable.

Les exploitations minières se font soit à ciel ouvert quand le gisement est accessible après un décapage modéré des formations superficielles, soit par galeries si le gisement est profond, en remontant progressivement vers la surface. Ce faisant, les travaux miniers perturbent les écoulements souterrains, provoquent un abaissement du niveau des nappes puisque les travaux ont lieu hors d’eau. Les pompages d’exhaure sont souvent utilisés pour les traitements des matériaux extraits et les volumes excédentaires rejetés directement ou non dans le milieu naturel. Les perturbations pendant et après l’exploitation sont diverses et d’importance variable, mais toujours minimisées dans la pratique.

Par ailleurs, l'extraction minière génère d'importants besoins en eau pour le traitement du minerai (5 à 10 m3 / tonne de roche extraite), ce d'autant plus que les concentrations de minerai sont plutôt basses. Prélevée en quantité sur des bassins versants réduits, cette eau manquera et conduira à des étiages sévères. Le changement climatique provoque dans notre région une "polarisation" des précipitations, plus intenses et plus violentes sur certaines périodes alternant avec d’autres périodes sèches plus longues, exacerbant les tensions déjà vives en l’état. Ajoutez des prélèvements miniers à l’équation et, de complexe, elle devient insoluble ...

A cet impact quantitatif s’ajoute un volet qualitatif en raison de l'usage de produits chimiques dans les phases de forage, d'extraction puis de concentration des minerais

Noter que, dans le cas particulier du gisement de lithium de Tréguennec, sa situation en bordure de l’Océan atlantique, à une petite centaine de mètres du littoral et à la limite du massif dunaire et d’un vaste secteur de marais pose d’autres problèmes du fait des risques de pollution de la masse d’eau littorale, d’intrusions d’eau salée dans le sous-sol (biseau salé), etc...

 

Dégradation générale

L'impact est également qualitatif en raison de l'usage de produits chimiques dans les phases de forage, d'extraction puis de concentration des minerais.

Une mine exploitée représente plusieurs kilomètres de galeries, autant de voies de contact entre le minerai et l'eau ou l'oxygène offrant des conditions oxydantes aux minerais ciblés par les permis en cours qui sont des sulfures. Que ce soit en fond de mine par lessivage sur les parois ou en percolation sur les matériaux stockés en extérieur, ce phénomène d'oxydation s'auto-entretient et s'amplifie tant qu'il y a des sulfures exposés à l'air et à l'eau. S'en suivent des écoulements acides, les drainages miniers acides (DMA), qui sont une source de pollution acide et métallique (métaux lourds) pour les milieux aquatiques.

Les eaux acides peuvent entraîner chez les poissons une mortalité importante, des perturbations de la croissance, de la reproduction et des dommages chroniques aux organes et aux tissus, en particulier les branchies. Indirectement, les eaux acides présentant un nombre plus réduit d'espèces et des populations de macro-invertébrés moins abondantes que les eaux neutres, les ressources alimentaires des poissons se trouvent diminuées. Les métaux augmentent la toxicité des eaux acides et la présence simultanée de plusieurs métaux peut provoquer des dommages plus élevés que ceux de chaque métal pris isolément. Ainsi, à titre d'exemple, le zinc, le cadmium et le cuivre sont particulièrement toxiques en milieu acide et agissent en synergie pour inhiber la croissance des algues et affecter les poissons.

Par ailleurs, en présence du phénomène de DMA, l'arsenic présent dans l'arsénopyrite, très couramment rencontré dans les minéralisations sulfurées notamment celles exploitées pour l'or, se trouve solubilisé avec des conséquences évidentes sur le milieu. Les DMA génèrent également des particules en suspension qui recouvrent les branchies ou les œufs des poissons, colmatent le fond des cours d'eau ou opacifient le milieu, freinant la photosynthèse des végétaux aquatiques.

Le minerai recherché est extrait par broyage de la roche et concentration chimique. De nombreuses études pointent que l’efficacité des équipements de forage nécessite l’injection de boues lubrifiantes, dont la composition ne se résume pas à de l’argile et de l’eau. Les mélanges utilisés font appel à des matières argileuses spécifiques mais aussi des additifs de synthèse : fluidifiants, plastifiants, anti-agglomérants... Ces composés se disperseront inévitablement dans l’environnement sans qu'on puisse réellement mesurer l'effet cocktail généré !

 

PEt après, un legs qui dure des siècles...

L’eau qui circule dans les roches maintenant partiellement à l’air libre favorise l’oxydation des sulfures souvent présents dans les roches de socle, devient acide (1) et peut alors se charger en métaux lourds, en mercure, arsenic (2)… C’est ce que l’on appelle (1) le drainage acide minier (DMA) et (2) la lixiviation sont deux pollutions au très long terme qui stérilisent les cours d’eau à l’aval. Et les eaux souterraines.

Ce phénomène est encore plus marqué dans les « stériles » miniers. Ce sont pour partie des roches à faible teneur en minéraux qui restent en blocs de taille décimétrique que l’eau de pluie va lessiver. Mais ce sont surtout des roches que l’on a broyées pour extraire le minerai. Leur très faible taille amplifie le potentiel de drainage acide de façon critique. Et s’y ajoutent les traces des substances diverses ayant été utilisées pour extraire la ou les substances cibles.

Le ratio produit commercial/matériau extrait est faible pour les substances recherchées en Bretagne, de l’ordre de 1/ 100 000e à quelques pour cent. Pour obtenir 1 t de lithium (Li2O) ou de tantale (Ta), il faut respectivement extraire, broyer et traiter 140 et 5000 t de minerai dans les gisements inventoriés en Bretagne. C’est dire la montagne de déchets miniers qui est produite, qui va rester sur place ou à proximité, et qui n’a le plus souvent aucune autre valorisation économique possible. Or les phénomènes de lixiviation vont s’y développer de manière pérenne.

Oh, depuis quelques années les compagnies minières assurent maîtriser les problèmes en déposant ces déchets sur des matériaux étanches et les recouvrir ensuite de même. Mais quelle en est la pérennité au regard d’un risque « éternel ». Des secteurs qui ont été « mis en sécurité » a posteriori comme l’ancienne mine d’or de Salsigne (Gard) n’ont pas vraiment passé de façon rassurante l’épreuve des pluies d’octobre 2018 ! Et en plus du risque lié à l’eau de pluie ou souterraine, n’oublions pas les risques d’érosion, de transport éolien, de dégradation des clôtures et des étanchéités de surface.

Les eaux acides peuvent entraîner chez les poissons une mortalité importante, des perturbations de la croissance, de la reproduction et des dommages chroniques aux organes et aux tissus, en particulier les branchies. Indirectement, les eaux acides présentant un nombre plus réduit d'espèces et des populations de macro-invertébrés moins abondantes que les eaux neutres, les ressources alimentaires des poissons se trouvent diminuées. Les métaux augmentent la toxicité des eaux acides et la présence simultanée de plusieurs métaux peut provoquer des dommages plus élevés que ceux de chaque métal pris isolément. Ainsi, à titre d'exemple, le zinc, le cadmium et le cuivre sont particulièrement toxiques en milieu acide et agissent en synergie pour inhiber la croissance des algues et affecter les poissons. La présence de métaux peut conduire à des non respects des normes sanitaires sur l’eau brute qui interdisent leur potabilisation au moins en étiage.

Par ailleurs, en présence du phénomène de DMA, l'arsenic présent dans l'arsénopyrite, très couramment rencontré dans les minéralisations sulfurées notamment celles exploitées pour l'or, se trouve solubilisé avec des conséquences évidentes sur le milieu. Les DMA génèrent également des particules en suspension qui recouvrent les branchies ou les œufs des poissons, colmatent le fond des cours d'eau ou opacifient le milieu, freinant la photosynthèse des végétaux aquatiques.

 

Devoir d'inventaire

L'exploitation minière a pourtant déjà fait des dégâts ! L'ancienne mine de Salsigne, par exemple, mais c’est loin d’être le seul, où on a extrait de l’or, de l’arsenic, du plomb, est à l'origine d'une pollution de l'Orbiel, un affluent de l’Aude. En cause : les dérivés du mercure utilisés pour transformer le minerai, et l’arsenic, présent dans la roche des tas de stériles sous la forme de poussières au travers desquelles les eaux percolent avant se concentrer aux points bas et de rejoindre les petits ruisseaux puis l’Orbiel. Les analyses montrent des concentrations parfois de l'ordre de 450 fois la norme de potabilisation fixée par l’OMS ! Les mortalités par cancer sont largement supérieures au reste de la population. Réaction de l'Etat : ne pas consommer ces légumes, ne pas utiliser l'eau de pluie, ne pas se baigner dans la rivière et faire attention à la poussière, surtout les enfants. Et on devrait voir sereinement les projets actuels…
Le territoire national est truffé de sites miniers en déshérence, dont certains remontent à plusieurs siècles, voire à la Préhistoire. Du fait de sa géologie, la Bretagne figure en bonne place et quasiment tout reste à faire en termes d’inventaire.

Ce risque est tellement identifié qu’une directive européenne du 15 mars 2006 -200/21/CE) organise la gestion des déchets de l’industrie extractive, avec notamment un inventaire des installations fermées problématiques. Et les travaux de remédiation sont financés – lentement- par l’Etat. Bercy n’apprécie guère ces dépenses non productives !

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