État de la contamination, la situation bretonne

29 avril 2022
État de la contamination, la situation bretonne

Les eaux superficielles

De nombreuses collectivités, services de l'État ou établissements publics procèdent à des prélèvements réguliers afin de suivre la contamination des eaux bretonnes par les pesticides. 

Les pesticides ou leurs résidus (appelés aussi métabolites) contaminent la quasi totalité de nos cours d’eau : dans 98,7 % des cours d’eau suivis en 2020 en Bretagne, les analyses relevaient la présence d’au moins un pesticide (source OEB). Une présence généralisée des pesticides dans notre ressource la plus vitale, mais aussi une diversité très importante de substances. Près de 230 pesticides ont ainsi été quantifiés dans les cours d’eau bretons sur les 694 recherchés en 2020, les métabolites occupant presque la quasi-totalité des places du top 10 des molécules les plus fréquemment retrouvées. Ce ne sont pas moins de 54 molécules différentes qui ont été retrouvées au maximum dans un même échantillon !

Toutes les données de suivis des eaux superficielles sont désormais disponible en ligne ; avec possibilité de suivre une seule molécule, d'avoir un suivi par point de prélévement ou une phtographie annuelle de la contamination des eaux via le site de l'observatoire de l'environnement : Pesticides - Évolutions des concentrations dans les cours d'eau

 

 

 

Les eaux souterraines

La qualité des eaux souterraines est suivie depuis 2000 par le réseau de suivi qualitatif des eaux souterraines du bassin Loire-Bretagne. L'eau souterraine bretonne présente plutôt une bonne qualité vis-à-vis des pesticides. C'est un état de fait rassurant quand on connaît le temps de réaction des ressources en eau souterraine. En effet, après l'arrêt de la source de pollution et la mise en œuvre de techniques d'assainissement, le retour à la qualité originelle du réservoir aquifère nécessite des dizaines d'années.

Pour avoir un aperçu peu détaillé, consultez la Synthèse de l'état chimique des masses d'eau souterraine en Bretagne. Attention, il s'agit d'un aperçu partiel qui ne s'appuie pas sur la totalité des pesticides potentiellement présents.

 

 

L’eau distribuée

L'eau distribuée au robinet semblait bonne qualité, à en croire le peu de dépassements de la norme sur le paramètre pesticides. La baisse observée de la part de la population exposée à une eau non-conforme sur le paramètre pesticides est en train d'évoluer et de remonter. Selon l'ARS en 2020, plus de 700 000 bretons auraient été alimentés au moins une fois par une eau non-conforme en pesticides.

Les améliorations connues ces dernières années n'étaient pas dues à une amélioration de la qualité des eaux brutes mais vraisemblablement à une meilleure maîtrise des traitements. En effet, de nombreuses stations de production d’eau potable s'étaient équipées de filtres afin d’éliminer les pesticides et de distribuer une eau conforme (ex. : filtres à charbon). C'est particulièrement le cas pour les captages réalisés en eau superficielle.

Les eaux souterraines, étant jusqu'alors considérées de meilleure qualité (et elles l'étaient), les installations de production d'eau potable adossées à leurs captages n'étaient que rarement équipés de moyens d'éliminations des pesticides. Aujourd'hui certains captages, désormais durablement contaminés par des métabolites, sont dans une impasse pour délivrer une eau conforme au consommateur.

Qui plus est, certaines filières de traitements s'avèrent désormais insuffisantes et ne permettent pas toutes d'éliminer toutes les molécules (matière active ou métabolites). Certains résidus de pesticides passent désormais les filtres et se retrouvent au robinet. De couteux travaux commencent déjà pour renforcer les filières de traitement... sans que la source de pollution ne se tarisse.

 

L’air

On évoque très souvent la pollution de l'eau par les pesticides, mais peu celle de l’air. Aucune norme n’existe. Pourtant nous n'avons pas le choix de respirer ou non ! La contamination de l'air par les pesticides est donc peu connue, mais surtout très peu recherchée.

Les pesticides sont transférés dans l’air lors de l’épandage par dérive, volatilisation ou évaporation. Il est difficile de prévoir les points de chutes des pesticides utilisés. Concernant la pollution de l’eau: si le produit est utilisé sur une parcelle d’un bassin versant, avec le ruissellement, les molécules iront dans la rivière concernée. C’est différent pour l’air : le vent emporte des molécules dans des régions parfois très éloignées du lieu d’épandage. À l'échelle terrestre, nous nous partageons un grand nombre de molécule, les frontières administratives ou hydrographiques n'ont pas de sens.

La première campagne de mesure de produits phytosanitaires en Bretagne date de 2002 sur la station expérimentale de la Chambre Régionale d'Agriculture, à Kerguéhennec dans le Morbihan. Elle a été réalisé par Air Breizh, association agréée pour le suivi de la qualité de l’air (AASQA). Par la suite, d'autres campagnes ont été menées dans plusieurs sites en Bretagne :au Rheu (35) et à Vezin-Le-Coquet (35), à Mordelles (35) et à Pontivy (56).

La campagne la plus récente, dont les résultats ont été publiés, s'est déroulée au Rheu, à l'automne 2020. Lors de cette campagne, 78 substances ont été recherchées dans les prélèvements, 7 ont été effectivement détectées (contre 17 en 2018). Comme dans l'eau, les herbicides sont les molécules les plus fréquemment détectées. Certains pesticides persistent malgré leur interdiction depuis plusieurs années. C'est le cas du Lindane toujours présent dans l'air malgré une interdiction datant de 1998.

Voir les résultats complet de ce suivi.

La Bretagne a également participé à la campagne nationale exploratoire des pesticides dans l'air menée de juin 2018 à juin 2019. Les résultats de ce suivi sont disponible sur la page dédiée du site d'Air Breizh.

 

L’environnement

Les pesticides, comme les composés qui résultent de leur dégradation, causent des dommages directs (mort subite ou prématurée, intoxication) et indirects (destruction d’habitats ou de ressources alimentaires) à notre environnement. Les effets délétères au niveau des individus pourront avoir des répercussions sur les populations et les communautés.

Un certain nombre de facteurs influent sur ces effets :

  • la fenêtre d’exposition : selon le stade de développement d’un organisme exposé, un même niveau d’exposition à un contaminant donné aura des incidences variables ;
  • la durée d’exposition ;
  • la bioamplification ou bioaccumulation : les pesticides s’accumulent dans les tissus des animaux et, suite à la consommation répétée de proies intoxiquées, se concentrent dans l'organisme des prédateurs ;
  • la présence d’autres facteurs de stress (autres polluants, parasitisme…) ;
  • la densité des populations.

Il est à noter que la tolérance des espèces face aux substances chimiques est variable.

Par exemple, les insecticides ont des impacts avérés sur les pollinisateurs : des effets physiologiques (malformations, retard de développement), des perturbations du comportement de butinage, des interférences avec le comportement alimentaire, des impacts pour les pesticides neuro-toxiques sur les processus d’apprentissage. Certains pesticides, dits systémiques, sont d’ailleurs particulièrement dangereux car ils se retrouvent dans presque toutes les parties d’une plante (y compris le nectar ou le pollen). Mais les insecticides ont aussi des impacts sur les crustacés des milieux aquatiques ou les insectes à larve aquatiques (diptères, éphéméroptères).

Certaines formulations commerciales s’avèrent plus dangereuses et impactantes que la substance active qui les compose. C’est notamment le cas du Roundup, et de son agent tensio-actif (le polyoxyéthylène amine ou POEA).

Pour en savoir plus, consultez les actes de notre dernier colloque à ce sujet.

 

La santé humaine

Les pesticides sont des polluants chimiques dont les effets sur la santé sont de mieux en mieux connus. Des relations directes sont faites entre certaines maladies et certains pesticides. On peut considérer que les atteintes sur la santé humaine sont de deux sortes : l’intoxication aiguë et l’intoxication chronique. La première peut d’ailleurs entraîner la deuxième.

Les principales voies d’exposition pour un utilisateur sont les voies conjonctivale, respiratoire, digestive et cutanéo-muqueuse.

Les intoxications aiguës

Elles sont dues à l’absorption d’une forte dose (souvent unique) par une personne. Les effets sont immédiats ou quasi et apparaissent dans un délai de quelques heures à quelques jours. Les symptômes ressentis sont des troubles généraux, oculaires, respiratoires, digestifs, nerveux et conduisent parfois au décès. Suite à une intoxication aiguë, l’individu peut être victime d’une intoxication chronique et des affections qui lui sont liées.

Les intoxications chroniques

Elles sont dues à une exposition à de faibles doses sur de longue durée. Elles peuvent entraîner une accumulation des polluants dans l’organisme. Les effets apparaissent dans un délai de quelques semaines à plusieurs dizaines d’année.

Nous sommes plus vulnérables face à ces expositions répétées à certaines périodes de notre vie : lors de notre développement à l’intérieur du ventre de notre mère, lors de notre enfance ou lors d’une grossesse. De même une exposition à ces polluants à un moment clé de notre développement peut avoir des conséquences irréversibles.

Des suspicions de liens ou des liens avérés sont fait entre les pesticides et certaines maladies : cancers, troubles neurologiques (maladie de Parkinson, d'Alzheimer,...), troubles de la reproduction (baisse de la fertilité, malformations congénitales, retards de croissance...)

Parmi les maladies ayant un lien avéré avec les pesticides, les personnes qui en sont victimes et qui ont été exposées à ces polluants lors de leur activité professionnelle peuvent faire reconnaître leur maladie comme maladie professionnelle.