Youenn Landrein, 45 ans au chevet des rivières

03 décembre 2019
Youenn Landrein, 45 ans au chevet des rivières

De 1988 à 1995, Youenn Landrein fut le président d’Eau et Rivières de Bretagne. Durant 38 ans, et jusqu’à récemment, il a également été président de l’AAPPMA de l’Aven Ster goz, sans oublier son mandat à la présidence de la Fédération de pêche du Finistère. Samedi 30 novembre, Youenn a été décoré de la médaille de la ville de Bannalec, la consécration de 45 ans d’engagement pour le Ster Goz et plus largement pour toutes les rivière de Bretagne. Extraits de son discours.

 

Hommage à Jean-Claude Pierre

 

Il y a deux personnes, dans cette salle, que je souhaite tout particulièrement associer à cet évènement, deux compagnons de route représentatifs du slogan « Pensez global … Agir local ».

 

Je vous propose de saluer Jean-Claude Pierre, fondateur de l’APPSB. Son slogan « Quand le poisson meurt, l’homme est menacé » a éveillé les consciences d’un certain nombre de pêcheurs, pas de tous malheureusement. Ce slogan nous a encouragés à devenir « protecteurs de la nature » et à passer du « saumon à l’homme ». Que de chemin parcouru depuis 50 ans, au niveau des idées, mais aussi, pour toi, Jean-Claude, à travers la Bretagne et bien au-delà. Notre première rencontre en 1975, nous a donné l’énergie et la confiance dans la justesse du combat que nous engagions.

 

Gilbert Duigou, l’infatigable partenaire

 

D’autre part, je vous propose de saluer, Gilbert Duigou, le local de l’étape. Infatigable partenaire, toujours prêt, organisateur hors pair d’évènements, dont celui d’aujourd’hui, de chantier comme celui du 22 juin pour les 50 ans d’Eau et Rivières, d’animations pédagogiques, de sorties « nature »...

 

La maquette du bassin versant Aven-Ster Goz, dans le hall, est l’une de ses œuvres, l’expo présentée dans cette salle également. Depuis la première heure, il a été bénévole pour les travaux sur la rivière. De 1987 jusqu’à sa retraite en 2013, il a assuré avec ardeur l’encadrement des travaux d’entretien du Ster Goz, comme bénévole, puis comme salarié d’Eau et Rivières, puis de la CoCoPaQ. Merci à toi Gilbert pour ton engagement exemplaire de militant.

 

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Une histoire de famille

 

J’aurai d’abord une pensée pour mon frère, qui a été Président de l’association de pêche de 1974 à 1981. Malheureusement, il est actuellement souffrant.

 

Coté famille donc, je dois avouer que mes engagements associatifs n’ont pas toujours été de tout repos pour mon épouse et mes enfants. Lors de la naissance de ma fille Katell, en juin 1979, j’étais absent !

 

Ce soir-là, en prévision d’une l’opération « Rivière Propre », programmée sur l’Aven, au bois d’amour, le 7 et 8 juillet, on animait une réunion d’information dans le secteur de Pont-Aven. 300 bénévoles avaient participé à ce chantier de mobilisation pour la mise en place du Contrat de rivière sur l’Aven - Ster Goz.

 

Pour poursuivre sur le sujet des enfants, 5 ans plus tard, en novembre 1984, se posait la question du prénom de notre futur deuxième enfant. Le projet de Contrat de rivière venait d’avoir l’agrément d’Huguette Bouchardeau, ministre de l’Environnement. Merci à Louis Le Pensec pour son aide sur ce dossier. Fortement inspirée par mes préoccupations du moment, j’avais proposé à ma femme, sur le ton de la boutade : « Si c’est un garçon, on pourrait l’appeler Ster Goz. Si c’est une fille, on pourrait l’appeler Aven. »

 

A la naissance, cette fois-là, j’étais présent, mais juste à temps ! Je venais de rentrer d’une réunion de préparation du congrès des 15 ans d’Eau et Rivières à Saint-Brieuc. « Des rivières propres pour une économie saine », décliné sous un autre slogan particulièrement adapté à la problématique de l’estuaire de l’Aven : « Nos truites protègent vos huîtres » Quand la sage-femme a annoncé que c’était une fille, mon épouse a dit qu’elle s’appellerait donc Aven. J’avoue avoir eu un petit doute sur le coup … Etait-ce bien raisonnable ?

Heureusement que ce n’était pas un garçon ! Difficile d’imaginer « Ster Goz LANDREIN » sur le registre des naissances ! Déjà, pour faire passer Aven, j’avais dû rajouter Marie en second prénom.

 

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Le Contrat de rivière Aven – Ster goz

 

Signé le 2 Juillet 1985, le Contrat de rivière Aven – Ster goz a permis de mettre en œuvre un programme de travaux d’assainissement... sur 5 ans, pour l’amélioration de la qualité de l’eau, des sources à la mer.

 

Je ne suis pas certain que tous les habitants du bassin-versant connaissent cette histoire, peut-être même pas tous les élus actuels. De 1986 à 1991, et même un peu au-delà, ce sont 46 millions et 1/2 de Francs (TTV) qui ont été investis, soit environ 12 millions d’euros d’aujourd’hui.

 

L’exposition que nous avons faite en 1996, dix ans après la signature du Contrat, rappelle, par exemple, la situation dans laquelle nous étions à la fin des années 70, ici à Bannalec, sur le ruisseau de Moustoulgoat et du Quinquis, servant d’égout à ciel ouvert. Notons que la situation n’était pas très glorieuse non plus sur les autres communes du bassin-versant.

 

Qui se souvient qu’en 1977, toutes les pollutions cumulées du territoire avaient entraîné la fermeture momentanée des parcs à moules de l’estuaire de l’Aven et qu’en 1984, le problème était toujours d’actualité.

 

Pour faire prendre conscience de la situation, nous avons œuvré, avec Eau et Rivières, pendant une dizaine d’années. Nous avons animé de nombreuses soirée débats, organisé des chantiers « rivières propres », dont l’un, particulièrement mémorable, sur le ruisseau égout de Bannalec, les 9 et 10 juillet 1983 (200 bénévoles avec désinfection obligatoire), suivi d’un débat avec les élus du bassin-versant.

 

Parallèlement, nous avons fait citer devant les tribunaux les sept industriels de la commune et un pisciculteur. Une condamnation en première instance puis en appel avait été obtenue. Elle avait permis d’accélérer la recherche d’une solution.

 

J’aurai ici une pensée pour Pierre Boedec, alors maire de Bannalec, qui par solidarité de responsabilité avec les pollueurs avait souhaité être cité devant le tribunal.

 

Il y aurait beaucoup d’anecdotes à raconter. Je n’en citerai qu’une, celle de la nuit 4 août 1984, celle de l’abolition des privilèges féodaux normalement. Avec Yvon Bris, alors premier adjoint, nous avions essayé d’échanger avec 190 agriculteurs du bassin-versant, réunis à la Croix Lanveur. Ils étaient particulièrement énervés, suite à une désinformation sur le projet de Contrat de rivière, démarche orchestrée par la chambre d’agriculture et quelques potentats locaux. Ce fut particulièrement houleux.

 

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Il y a 23 ans, dix ans après la signature du Contrat de rivière, à l’appui de l’évaluation du Contrat de rivière par la Diren et d’autres rapports, nous constations :

 

- Quelques améliorations ponctuelles.

- En aval des piscicultures, une dégradation.

- Les nitrates en augmentation moyenne de 1mg/litre par an, sur 15 ans.

- La pollution par les pesticides, suivie depuis 1990, devenait inquiétante.

- La qualité bactérienne de l'estuaire était toujours aussi médiocre.

 

Nous rappelions qu’il aurait fallu être plus ambitieux pour une véritable reconquête de la qualité de l’eau et que le rapport de la Diren, en fin de contrat, nous donnait raison. Aussi, nous proposions de poursuivre l'action engagée par la création d'une véritable structure de gestion intercommunale de l'eau, des sources à l'estuaire, sur l'Aven - Ster goz.

 

Les rivières au coeur de l’organisation territoriale

 

Il est vrai que depuis bien des choses ont changé, dans les organisations territoriales, la société, les réglementations...

 

Pour autant, les rivières sont toujours les limites des communes, des départements... L’histoire montre que cela n’a jamais facilité leur gestion cohérente. Les communautés de communes ont, de fait, reproduit cette situation. Deux sur ce bassin-versant. Heureusement qu’elles savent travailler ensemble.

 

Côté Sage, notre rivière est dans celui dit « de la dent creuse », aussi appelé du « Sud Cornouaille ». Ce n’est pas non-plus une situation très favorable pour générer une forte identité territoriale de l’Aven- Ster goz.

 

En fait, je trouve que la tendance actuelle est d’éloigner de plus en plus les lieux de décisions des acteurs locaux. Je me demande si, à terme, les citoyens ne vont pas perdre leurs racines, leur ancrage au territoire. « On ne défend bien que ce que l’on connaît, ce que l’on aime. » Là est l’origine de notre action, de notre combat, pour notre rivière. Qu’en sera-t-il demain ?

 

Et le syndicat intercommunal du bassin-versant ?

 

C’est pourquoi je m’autorise à dire qu’il est regrettable que le syndicat intercommunal du bassin-versant Aven - Ster goz, mis en place pendant la durée du Contrat, n’ait pas continué à fonctionner par la suite. Qu’une structure spécifique à l’Aven – Ster goz serait encore très utile aujourd’hui, regroupant les communes du bassin-versant, tous les partenaires concernés par la gestion qualitative et quantitative de l'eau, du milieu aquatique, les acteurs économiques, le tourisme...

 

Elle participerait à créer le lien entre ce milieu-vivant, territoire indivisible des sources à la mer et la population, dans le cadre d’un développement harmonieux intégrant sa protection et sa valorisation.

 

Concrètement, cela permettrait de maintenir la nécessaire vigilance de tous sur l’évolution de la qualité de l’eau, de lutter contre certaines pollutions qui persistent encore, ou naissent ici et là.

 

Je pense, par exemple, à celles des piscicultures sur le Ster goz et leur impact sur la qualité de l’eau du robinet des Bannalécois et Scaërois. Depuis plusieurs décennies, nous sommes toujours et encore les seuls à dénoncer cette situation. Un autre exemple, que Gilbert nous a fait découvrir lors d’une randonnée du caniveau à la rivière : la nécessaire gestion des eaux de ruissellement entraînant leur cortège de matières polluées à la rivière depuis les villes comme en campagne, dont des tonnes de plastiques qui se retrouvent à la rivière, puis en mer…

 

 

Les travaux d’entretien de la rivière

 

Lancés par quelques pêcheurs en 1974, les chantiers rivière ont attiré ensuite par des jeunes Bannalécois, déjà engagés dans des actions associatives de protection de la nature, de la langue bretonne et culturelles. Nombre d’entre eux sont là aujourd’hui … avec une bonne quarantaine d’années en plus !

 

A partir de 1976, il y a eu également des chantiers de jeunes d’Étude et chantiers, puis des jeunes du Pays glazik, encadrés bénévolement par Gilbert Duigou et Rolland Tallec, des lycéens de Quimper, des collégiens de Bannalec, de l’IME, du CAT...

 

Nous avons rapidement pris conscience que l’entretien des rivières pouvait ou, plutôt, devait devenir une source d’emplois. L’objectif était de garantir la pérennité des effets positifs des travaux, tout en participant à un rôle social.

 

Ainsi, dans le cadre du Contrat de rivière, à partir de 1986, nous avions planifié un programme de travaux d’entretien du Ster goz, sur cinq ans et faisant appel à des jeunes chômeurs dans le cadre de mesures sociales TUC, PIL et autres CES.

 

La difficulté principale était, en fait, de former et d’encadrer bénévolement ces jeunes inexpérimentés dans l’entretien de cours d’eau. L’ouragan de 1987 a précipité les choses. Une première expérience d’encadrement par Gilbert, en formation à l’époque pour devenir salarié d’Eau et Rivières, a préfiguré les solutions mises en œuvre par la suite.

 

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Nous participions en fait à la création de nouveaux métiers : celui de technicien de rivière et celui d’agent d’entretien.

 

Par la suite, d’autres configurations d’équipes d’entretien ont été mises en œuvre dans le cadre de chantier d’insertion, en partenariat avec le Pays des portes de Cornouaille et comme encadrant toujours Gilbert, alors salarié d’Eau et Rivières.

 

Précurseur dans le financement de la protection de l’environnement

 

Pour mener à bien ces travaux, en plus des subventions de l’Agence de l’eau, du Département et de l’argent des pêcheurs, il fallait trouver d’autres financements locaux. Là encore nous avons été précurseurs, en demandant au Syndicat de production d’eau du Ster goz une aide financière proportionnelle aux mètres cubes d’eau prélevés pour la consommation. En fait, nous anticipions la création de la taxe pour la Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations prévue aujourd’hui par la loi (Gemapi).

 

Fin 1997, Gilbert a été salarié de l’AAPPMA pour rédiger l'étude préalable à la mise en place d’un Contrat restauration entretien (CRE) sur le Ster goz. C’était le premier du département. Nous étions encore précurseurs.

 

De 1998 à 2012, dans le cadre des CRE, la communauté de communes du Pays de Quimperlé est devenu maître d’ouvrage des travaux et Gilbert recruté en tant que technicien de rivière.

 

Les agents d’entretien étaient des CES, puis des CEC. Certains ont été titularisés par Quimperlé Communauté, dont Yann Ddenis, qui est aujourd’hui responsable des équipes d’entretien sur l’Aven - Ster goz, le Belon et l’Ellé-Isole, dans le cadre des nouveaux CTMA.

 

Pour mémoire, de 1986 à 2012, soit pendant les 26 ans où Gilbert a encadré les chantiers, ce sont près de 140 personnes qui ont été salariées pour l’entretien du Ster goz, représentant 900 mois de travail. Il n’y a pas que certains pollueurs à créer des emplois.

 

L’histoire récente montre que les financements s’amenuisent cruellement, disparition de ceux de l’Agence de l’eau sous prétexte que nos rivières sont en « bon état écologique ». Du coup, les moyens humains diminuent et les programmes d’entretien sont réduits. Nous sommes en fait pénalisés d’avoir trop bien travaillé ! Pour le moment, les financements du Département suivent encore mais pour combien de temps ?

 

Je n’ose imaginer le scénario où, faute de financement, les rivières retourneraient à l’abandon, voire polluées sous l’indifférence de la population. L’absurdité de ce scénario … c’est qu’il y aurait peut-être des financements de l’Agence de l’eau pour les ramener au bon état.

 

Mettre en place la taxe Gemapi

 

Pour éviter ce scénario, digne des Shadock, j’appelle de mes vœux de nouveaux financements pour une réelle pérennisation des travaux, avec un bon niveau d’intervention, c’est-à-dire avec du personnel en nombre suffisant.

 

Dans cet objectif, je me permets d’attirer l’attention des élus ici présents sur la pertinence de mettre en place la taxe Gemapi, taxe pour la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations. Elle a été, à mon sens, judicieusement prévue par le législateur pour que les intercommunalités puissent pleinement assumer cette compétence.

 

Outre l’avantage de retrouver des financements, cette taxe locale aurait l’avantage de faire participer tous les habitants du bassin-versant à la protection de leur rivière par une contribution modeste mais essentielle.

 

 

Pêche et poissons

 

Juste un mot pour rappeler que dans une rivière bien entretenue et sans pollution, les poissons sauvages, la truite Fario et le saumon, se développent naturellement. Ils sont source d’un loisir sain, la pêche, voire de tourisme.

 

Depuis 1984, l’AAPPMA du Ster Goz pratique la gestion piscicole dite « patrimoniale », donc sans repeuplement artificiel. Cette gestion a été évaluée et validée par une étude du CSP de 1991 à 1998, avec l’aide d’Alix Nihouarn, récemment décédé malheureusement. Cette gestion patrimoniale a été mise en œuvre ensuite au niveau du département, à partir de 1998, quand je suis devenu président de la Fédération de pêche du Finistère. Sur ce sujet, nous étions encore des précurseurs sur le Ster Goz.

 

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