Projet Qualiplage : la pollution de l'eau des plages continue après l'été
L’Agence Régionale de Santé (ARS) teste la qualité de l’eau des plages en France entre le 15 juin et le 15 septembre. Mais qu’en est-il de la qualité de l’eau le reste de l’année ? Pour le savoir, Eau & Rivières de Bretagne a lancé le programme de sciences participatives Qualiplage qui a suivi 9 plages à travers les 4 départements bretons entre novembre 2024 et juin 2025. Les prélèvements ont été réalisés par des bénévoles d’Eau & Rivières et d’associations locales qui se sont investies à nos côtés. Résultat : les plages polluées en été le sont aussi le reste de l'année et il y a une corrélation entre pluviométrie et pollution des plages.
Un programme de sciences participatives
Les usagers du littoral veulent savoir ce qu’il se passe après le 15 septembre !
Depuis deux ans, Eau & Rivières de Bretagne publie un classement de la qualité de l’eau des plages en France en réalisant une moyenne des données de l’ARS sur les quatre dernières années. Cela permet d’attribuer à chaque plage une note et de la ranger dans l’une des catégories suivantes : recommandée, peu risquée, déconseillée, à éviter. Ce classement est accessible sur www.labelleplage.fr. Dans le cadre de Qualiplage, nous avons souhaité suivre des plages de différentes catégories. Nous avons également cherché des plages avec des bassins versants urbains et/ou agricoles, parfois avec un enjeu conchylicole, de pêche à pied récréative ou professionnelle, ou de pratique de la baignade à l’année (surf, longe-côte...).
Neuf plages correspondant à ces critères ont été sélectionnées :
Ille-et-Vilaine (35) : Le Prieuré à Dinard (peu risquée)
Côtes d’Armor (22) : Saint-Laurent les Nouëlles à Plérin (déconseillée)
Finistère (29) :
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Le Lerret à Kerlouan + le Quillimadec (plage non classée par l’ARS par suite d’une fermeture pendant 4 années consécutives)
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Le Château à Landunvez + cours d’eau (plage non classée par l’ARS par suite d’une fermeture pendant 4 années consécutives)
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Le Ris à Kerlaz (plage suivie au nord du point de prélèvement ARS pour comprendre l’influence du cours d’eau sur la qualité de l’eau de baignade)
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Le Minou à Plouzané (peu risquée)
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L’anse du Gorjen à Moëlan/Mer (non classée car pas de suivi ARS l’été)
Morbihan (56) :
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La Carrière à Arradon (peu risquée)
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La Grande Plage à Damgan (déconseillée)

L'eau marron du Quillimadec qui se déverse dans l'anse de Tresseny où se trouve la plage de Lerret à Kerlouan © Google Maps
Qu’avons-nous mesuré ?
Nous avons réalisé des prélèvements de l’eau des plages pour en déterminer la pollution bactériologique. Pour les plages du Château à Ladunvez et de Lerret à Kerlouan, des prélèvements ont également été effectués dans les cours d’eau qui rejoignent la mer au niveau des plages. Les prélèvements ont été remis à des laboratoires agrées (Labocéa et Inovalys) qui ont analysé les bactéries indicatrices d’une pollution fécale : Escherichia coli et Entérocoques intestinaux. Il s’agit des mêmes bactéries analysées dans le cadre de la surveillance sanitaire des plages en période estivale (15 juin- 15 sept) pilotée par l’ARS.
Notre protocole
Nos 9 équipes ont réalisé les prélèvements selon le protocole suivant :
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2 prélèvements aléatoires / mois + 1 par temps de pluie
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En période de vives eaux (pleine mer +/- 2h)
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Période d'échantillonnage s’étalant de l’hiver 2024 jusqu’au mois de juin 2025 (reprise des prélèvements pas l’ARS)
Découvrir le projet Qualiplage en vidéo
Que disent nos résultats ?
Nos hypothèses de départ
1/ En dehors de la période estivale, la pollution des eaux de baignade ne cesse pas.
2/ Selon la configuration des bassins versants, la pollution des eaux de baignade est corrélée aux ruissellements et à l’activité agricole intensive.
Nos observations
1/ L’hiver la pollution continue
Les plages qui sont polluées en été le sont également le reste de l’année et la pollution est même pire qu’en été. La pollution des plages ne s’arrête pas au 15 septembre et les touristes n’en sont donc pas la cause.
2/ Il y a une corrélation entre pluviométrie et pollution des plages
Nos résultats confirment que lorsqu’il pleut, l’eau des plages est davantage polluée. D’ailleurs, cet été, dans le Morbihan et le Finistère, les fermetures des plages ont été nombreuses à partir de la reprise des pluies au 20 août. Lorsqu’il pleut, les bactéries présentes dans les sols sont emportées par ruissellement dans les cours d’eau jusqu’à la mer. Ces bactéries proviennent des épandages agricoles, notamment de lisier, et de la ferti-irrigation. La pluie peut également entraîner des fuites par débordement de fosses à lisier, des surverses de stations d’épurations et des surcharges des réseaux d’eaux usées et pluviales qui ne sont pas séparés.
Nos résultats

Pour chaque plage, nous indiquons :
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Ligne 1 : la localisation et le nom de la plage ;
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Ligne 2 : la valeur min en npp / 100 mL pour Escherichia coli (EC) et Entérocoques intestinaux (EI) (<15 signifie que les concentrations enregistrées se situent en dessous de la valeur limite de détection)
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Ligne 3 : la valeur max en npp / 100 mL pour EC et EI ;
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Ligne 4 : la proportion de bons prélèvements en nombre par rapport au nombre total des prélèvements et en pourcentage.
Pour les plages de Lerret à Kerlouan et du Château à Landunvez, un deuxième cartouche sur fond bleu ciel comprend les valeurs pour les prélèvements à l’exutoire des rivières de ces plages.
En France, les seuils retenus par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), au regard du risque « gastro-entérite », sont les suivants :
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660 npp / 100 mL pour EI et 1800 npp / 100 mL pour EC dans les eaux douces ;
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370 npp / 100 mL pour EI et 1000 npp / 100 mL (Escherichia coli) dans les eaux de mer.
Au delà de ces seuils, la qualité de l’eau est considérée comme « mauvaise » ; en-dessous de 100 npp/ 100 mL, à la fois pour EC et pour EI, elle est considérée comme « bonne » et entre les deux, comme « moyenne ».
Annexe : le cas détaillé de la plage de Lerret
Nos demandes
Identifier toutes les causes de pollution, les hiérarchiser et agir en conséquence
Si les plages, les zones conchylicoles et les masses d’eau sont suivies sur le plan de la bactériologie, le protocole ne permet pas de désigner précisément les points de fuite. Il faut donc organiser une enquête de terrain pour les bassins versants dont les plages à l’embouchure, les zones conchylicoles ou les sites de pêche à pied sont régulièrement fermés ou en risque de déclassement. Cette mesure devrait figurer dans tous les plans d’actions des profils de baignade des plages présentant une moyenne de plus d’un prélèvement sur cinq qui ne serait pas bon.
Étendre la période de surveillance des plages à l’année entière pour les plages les plus fréquentées
L’usage de la baignade a explosé en Bretagne ces vingt dernières années. Les communautés de communes pourraient maintenir une surveillance sanitaire à l’année des eaux de baignade pour 3 ou 4 plages chacune (celles les plus fréquentées par les usagers du surf et du longe-côte). Il s’agit ici de protection des populations.
Nos partenaires
Un projet reposant sur un réseau d’associations citoyennes sur tout le territoire
Les prélèvements ont été réalisés en partie par des bénévoles de l’association Eau & Rivières de Bretagne, mais également grâce aux bénévoles de nos associations membres et amies :
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ARBQ Amis et Riverains du Bassin versant du Quillimadec
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EPK Environnement et Patrimoine – Kerlouan
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AEPI Avenir Environnement en Pays d’Iroise
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Graines de Coquelicot
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BDZE Baie de Douarnenez Environnement
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RBBM Rivières et Bocage Belon, Brigneau, Merrien
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GET Golfe en Transition
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VTT Villages et Territoires en Transition
Une acquisition de données citoyennes multi-partenariale
Le financement provient entièrement de mécénats privés (aucune aide publique). Nous remercions vivement Patagonia, 1% pour la planète, Biocoop Finisterra, la réalisatrice finistérienne Anne Sarkissian et la Fondation Famille Lemarchand pour leur soutien.
