Le lobby agricole se manifeste… en force !
Une déclaration signée par plusieurs organisations syndicales agricoles, responsables de coopératives et industries agro-alimentaires dévoile leur appréciation du rapport de force et de la légalité. Ce courrier adressé au préfet nous est arrivée de manière non-officielle, les signataires n’ayant pas jugé utile de mettre en copie les membres de la Commission Locale de l’Eau.
Sur la forme
Ils enjoignent au Préfet de veiller à la légalité... autrement dit ils lui ordonnent... de quel droit ? Réponse quelques lignes plus tard.
Ce document de planification serait d’une telle densité normative, accompagnée d’une contrainte pénale d’une intensité exceptionnelle, qu’il pourrait compromettre gravement la pérennité des exploitations agricoles. On croit rêver, rappelons simplement que l’infraction à un article du SAGE est passible d’une simple contravention de 5ème classe. Sans doute faut-il plutôt y voir la crainte pour les vendeurs de poisons d’une diminution de la vente de leurs pesticides et des bénéfices qui vont avec.
Le défaut de protection de l'activité agricole serait une atteinte à l'ordre public sécuritaire ! Il est difficile de comprendre que le règlement du SAGE Vilaine serait un trouble à l'ordre public. Mais les termes choisis laissent planer un doute en y adjoignant le mot sécuritaire. Faut-il comprendre qu'à défaut de satisfaction, des manifestations d'acteurs agricoles seraient inévitables et ne manqueraient pas d'aboutir à des débordements ? Le Ministre de l’intérieur ne prendrait-il pas cela pour une menace d’agri-terrorisme ?
De quoi parle-t-on ?
Cela concerne les dispositions du futur Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de la Vilaine dont la consultation du public a suscité un nombre très important de contributions. Ce document a été préparé pour répondre aux défis d'un bassin versant qui manque gravement de ressource en eau, dont la qualité elle-même est très dégradée et qui est face à un mur d'investissements pour assurer la potabilité au robinet.
La commission locale de l'eau n'est pas une réunion de dangereux activistes : la moitié de ses membres sont des élus, on y trouve des représentants de l'Etat, des représentants des activités économiques, dont des agriculteurs et des représentants de la société civile.
Ils ont essayé, car c'est leur responsabilité, de trouver un équilibre entre les priorités définies par la loi : santé, salubrité publique, sécurité civile et l'alimentation en eau POTABLE de la population, et les activités économiques.
Confrontés aux constats de contamination des milieux aquatiques par de nombreuses molécules, d'origine agricoles, industrielles, et leurs métabolites, ils ont essayé de dessiner un futur faisant de la prévention l'axe majeur. Les techniques de traitement sont en train d'être dépassées, y compris les plus coûteuses. Ce n'est facile pour personne de revoir ses pratiques et ses usages et rien n'explique les propos tenus, qui d'ailleurs évitent soigneusement d'argumenter au fond !
Le débat se cristallise en fait, sans le dire, sur l'opération d'interdiction des herbicides sur le maïs, dans les zones sensibles à l'érosion, de trois aires d'alimentation des captages. Il s'agit à d'une infime partie du grand bassin versant de la Vilaine. Une démarche d’autant plus responsable qu’elle s’accompagnerait d’une aide pour les agriculteurs concernés, pour faciliter la transition, le tout payé par la facture d'eau potable. Un dispositif « pollueur- payé » en quelque sorte. Mais comme dans le débat récent autour de la loi Duplomb et des néonicotinoïdes sur la betterave, le banc et l’arrière-banc de l’agriculture industrielle se dévoilent au grand jour (ou presque) et témoignent une fois encore des pressions et menaces qu’ils exercent sur notre démocratie.
Que fait le Préfet ?
Les présidents des structures qui prélèvent de l'eau, souterraine ou superficielle, sont tenus de garantir leur potabilité. La responsabilité de leur collectivité peut être engagée. Si gouverner s’est prévoir, il est plus que temps de prévoir le pire. Mais le Préfet est-il bien toujours le garant de l’intérêt général ? On peut malheureusement en douter, lui qui, sommé de retirer les freins à l'activité agricole, vient sans concertation de reporter à une date ultérieure le vote d’approbation du SAGE qui devait intervenir le 10 décembre, pliant ainsi encore un peu plus l’échine et faisant reculer l'Etat.
Oui le Préfet est garant de la légalité. Les tribunaux sont là pour censurer, le cas échéant, ses décisions. Mais il lui revient aussi de veiller au plein équilibre voulu par la loi, qui comprend la potabilité de l'eau et la santé de nos concitoyens.
