Eaux de baignade | L'ARS ne respecte pas la directive européenne
En ce début d’été, les collectivités communiquent sur les très bons résultats de la qualité des eaux de baignade. La réalité pourtant est tout autre... Eau et Rivières de Bretagne dénonce le non-respect de la directive européenne « Eaux de baignade » par l’Agence régionale de santé de Bretagne. Notre association va saisir la justice.
C’est l’été, tout le monde ou presque pense à la plage et à la baignade, et tous les maires souhaitent attirer les baigneurs sur leurs plages, en agitant les classements annuels de l’Agence régionale de santé (ARS), où la plupart des plages bretonnes sont désormais classées au moins « satisfaisantes » pour la bactériologie. Tout va bien, donc : aucun risque de contamination ? Hélas, non, pas tout à fait ! Car si les classements s’améliorent, le nombre de fermetures de plages et d’interdictions de baignade ne diminue pas... Bizarre, non ?
Conformément à la directive européenne 2006/7 (« eaux de baignade »), le classement des plages se base sur les contrôles aléatoires réalisés pendant la saison de baignade (généralement, du 15 juin au 15 septembre) par l’ARS : prélèvements et recherche de deux types de bactéries témoins. Les concentrations d’ E.Coli et Entérocoques caractérisent donc la qualité bactériologique des eaux de baignade. Au mieux, un contrôle est effectué par semaine. Les résultats sont régulièrement affichés à l’entrée des plages pendant la saison, et en fin de saison le classement est révisé systématiquement
Comment se fait-il donc que les risques de pollution ne diminuent pas (en témoignent le nombre élevé de fermetures préventives de plages), alors que les classements s’améliorent ? Voici l’explication…
La pluie qui pollue : pleuvrait-il des bactéries ?
On sait que sur beaucoup de plages bretonnes les pollutions bactériologiques sont liées à des évènements pluvieux. Bien sûr, la pluie n’est pas polluée par des bactéries fécales : elle est seulement le révélateur des faiblesses de la gestion des pollutions des bassins versants : débordement des réseaux d’eaux usées, lessivage des sols urbains ou agricoles chargés de bactéries (et sans doute d’autres polluants non surveillés), qui polluent les cours d’eau et in fine les plages voisines. Même relativement rares en été (et même en Bretagne, quoi qu’en disent les mauvaises langues…), les pluies ne sont pas exceptionnelles, et donc les pollutions non plus.
Comme le phénomène est bien connu, et sur les conseils de l’ARS, dès qu’elles sont averties de l’arrivée de la pluie les communes choisissent généralement de fermer préventivement leurs plages – souvent très discrètement d’ailleurs (qui lit les arrêtés municipaux en petits caractères à l’entrée des plages ?) pendant deux ou trois jours, le temps que la situation redevienne normale et la baignade possible.
Ainsi, la responsabilité du maire n’est pas engagée et le risques de contamination des baigneurs sont limités (ils sont sortis de l’eau).
Mais alors, même réalisés aléatoirement, les prélèvements de l’ARS devraient bien de temps en temps tomber pendant ces épisodes pluvieux ? Comment se fait-il que cela ne se voit pas dans les classements ?
Faute de faire baisser la fièvre, on peut casser le thermomètre…
L’explication est toute simple : il suffit de supprimer les prélèvements pollués du classement, et le tour est joué ! Ainsi, l’ARS a pendant plusieurs années considéré qu’un prélèvement réalisé pendant une fermeture préventive pouvait être éliminé du calcul ; pour cela, elle s’appuyait - à tort - sur une disposition de la directive européenne qui autorise cette manipulation en cas de pollution ponctuelle. Il serait en effet regrettable de déclasser une plage dès que se produit une pollution accidentelle, le classement étant censé refléter la qualité globale de la plage. Comme par magie, la pratique de l’ARS suffit à faire disparaître la plupart des pollutions détectées lors des contrôles. Et pour les autres, il y a une autre solution simple : fermer définitivement les plages, et les faire sortir du classement.
Pourtant, dans le cas des pollutions liées à la pluie, il ne s’agit pas d’évènements ponctuels : non seulement ils sont systématiques (chaque fois qu’il pleut ou presque, il y a pollution), mais les pollutions concernent souvent plusieurs plages simultanément, souvent sur des bassins versants différents, et traduisent donc des problèmes systémiques, c’est-à-dire une mauvaise gestion : et dans ce cas, la directive interdit explicitement l’élimination de ces analyses. La fermeture préventive est une solution provisoire pour éviter les contaminations des baigneurs, mais ce n’est évidemment pas la bonne réponse à long terme : la directive européenne vise la qualité des eaux de baignade, et son but est qu’on puisse se baigner tout le temps…
Les études d’Eaux et Rivières de Bretagne ont mis en évidence cette anomalie, qui a apparemment bizarrement cessé aussitôt que – faute de réponse à nos questions – nous avons porté plainte auprès de la Commission européenne à l’été 2020.
Mais les classements portent sur les quatre dernières années, et les erreurs commises depuis 2016 ont donc faussé le classement de nombreuses plages, et le fausseront encore pendant plusieurs années.
L’ARS devrait corriger ses classements erronés
Voyant que rien ne se passait, Eau & Rivières a donc demandé en mai 2021 à l’ARS de corriger rétroactivement les classements erronés, afin que les baigneurs et les maires, gestionnaires de baignades, soient parfaitement informés des risques et de la qualité réelle des plages, mais aussi pour qu’on se décide enfin à agir : que ces pollutions proviennent d’assainissement défectueux ou d’autres sources (par exemple des épandages d’effluents d’élevage), il est indispensable que les autorités s’attaquent enfin à ce problème, au lieu d’essayer de le minimiser ou de le cacher.
Deux mois après cette demande, nous n’avons toujours aucune réponse de l’ARS. Eau & Rivières a donc décidé de saisir le tribunal administratif pour obtenir le rétablissement des véritables classements des plages bretonnes.
Cliquez ici pour consulter le dossier de presse.