Pourquoi se dirige on vers une sécheresse importante ?

11 juillet 2022
Pourquoi se dirige on vers une sécheresse importante ?

Dans de nombreuses régions françaises, la situation des rivières est déjà considérée comme préoccupante, avec des débits de cours d’eau qui sont particulièrement faibles par rapport aux normales et ce depuis le début du mois de juin. Mais comment le sait-t’on ? Et pourquoi la Bretagne pourtant réputée pour sa pluviométrie généreuse est elle concernée ? (ci-dessus L'Odet le 09 juillet 2022 dernier)

 

Pourquoi sommes nous déjà dans une telle situation ?

Sans rentrer dans les détails, rappelons juste que ce sujet est particulièrement important pour les bretons car notre alimentation en eau potable provient pour 3/4 de nos eaux de surface : généralement des petites rivières côtières sensibles à l’étiage et des retenues.

 

Une part non-négligeable de ces prélèvements se fait au fil de l’eau, sans stockage dans un barrage dans lequel soit on puise directement (ex du barrage de Chèze-Canut pour Eaux du bassin rennais en Ille et Vilaine), soit on assure en été un complément au débit naturel pour alimenter une usine de traitement de l’eau à quelques km, comme c’est par exemple le cas pour Eaux du Ponant, depuis la retenue de Drennec en Finistère.

 

Comprendre les raisons de la fragilité de la Bretagne face aux sécheresses

 

Comment est alimenté une rivière au cours d’une année ?

En situation normale c’est durant l’hiver, lorsque les pluies sont abondantes et que les plantes ont de faibles besoins en eau ce qui entraîne une saturation rapide des sols en eau. Ceci va alors permettre de ré-alimenter nos eaux souterraines et entraîner du ruissellement qui donnera les débits soutenus et les crues de nos rivières. Puis à l’inverse, vers la fin mai, l’évaporation devient plus forte et le débit des rivières commence à être alimenté principalement par la restitution lente des zones humides (une de leur nombreuses vertus) et des nappes, débit qui peut être complété par des apports irréguliers liés aux pluies d’une certaine importance.

 

C’est ce qu’on appelle le processus le tarissement. Ce process, variable suivant les rivières, commence plus ou moins tôt, avec un remplissage des nappes plus ou moins important selon les années. Nous sommes d'ailleurs sur une année déficitaire (consulter le dernier bulletin du BRGM).

 

Mais cette année, en raison d’un hiver peu humide, le remplissage des nappes a été limité. En outre il a été suivi par un printemps sec : le processus de tarissement a commencé sensiblement plus tôt que d’habitude. Dans ce cadre les conditions d’un étiage (période de basses eaux) très sévère sont réunies.

 

La situation de la rivière l’Odet en Finistère

Essayons d’analyser plus finement comment sont anticipées ces périodes de manque d’eau et pourquoi tant les administrations que nos associations alertent déjà sur la gravité de la situation (rappel l'ensemble des départements bretons sont déjà en vigilance sécheresse).

 

Pour cela, prenons l’exemple de l’Odet à Ergué-Gaberic pour les débits, et Quimper Pluguffan pour les pluies (il a été vérifié que les pluies des autres points de mesure disponibles aux alentours n’était pas plus abondantes). Les variables utilisées sont le cumul de pluies et le débit moyen sur 4 heures (ce qui permet de représenter la réalité avec une finesse suffisante). La diversité des informations représentées conduit malheureusement à un graphique un peu complexe, mais qui sera explicité ci-dessous.

 

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Sont représentés :

  • L’échelle à gauche est celle des débits, en litres par seconde

  • L’échelle à droite est celle des pluies, en mm, par période de 4 h

  • En bleu, le débit mesuré de l’Odet (source DREAL Bretagne, banque Hydro)

  • En bâtons rouges, la pluie à l’aéroport de Quimper-Pluguffan (source MétéoFrance)

  • En jaune, le débit fourni par les eaux souterraines, issu du traitement de plusieurs étiages anciens, 1976 et 2009. Ce débit de tarissement est spécifique à chaque cours d’eau, tant dans sa forme générale que sa baisse (en dépit des apparences, ce n’est pas une droite).

  • En rose, la reconstitution des débits qui auraient été observés en l’absence de nouvelles pluies

  • En vert, le débit seuil d’alerte de l’arrêté cadre sécheresse.

  • En ordonnée, la conversion de la date et de l’heure en unités de temps de durée 4 h. Ainsi, 105/6 unités de 4 heures par jour correspond 17 jours et demi écoulés depuis le 30 mai, 1 heure du matin, soit le 15 juin à 13 h.

 

Alors, qu’observons nous sur ce graphe ?

Du 30 mai au 7 juin, le débit est proche de la tendance qui mènerait vers le tarissement, on note d’ailleurs que les petites pluies de 1 et 2.4 mm, n’ont eu aucun effet sur le débit de la rivière.

 

Les pluies du 6 et du 7 juin (6 et 14 mm), plus importantes, provoquent, elles, une petite augmentation du débit, mais qui ne dure pas très longtemps, avant une petite remontée due à la pluie du 10 juin (4mm). Le débit rattrape en quelques jours, non pas son débit avant pluie, mais la courbe de tarissement que nous avions calculée. L’effet des pluies n’a pas modifié la tendance engagée, nous sommes toujours sur une tendance forte à la baisse.

 

Au passage, il est intéressant de calculer la part de la pluie qui a apporté un supplément de débit pendant quelques jours, soit la surface de la zone comprise entre le débit observé et la courbe de tarissement entre le 6 et le 18 juin : 3,4 % de la pluies tombée s’est traduite en débit, en lien avec les surfaces imperméabilisées et les effets tampon des zones humides !

 

Les pluies du 19, importantes (20 mm) provoquent une hausse brutale. Du 21 au 23 juin, une deuxième série de pluies, moins intenses mais de cumul équivalent (17 mm) provoquent une forte montée. Il convient d’observer les fluctuations entre les deux pics en lien avec des précipitations successives. Les pluies qui surviennent ensuite, soit presque 9 mm maintiennent un débit plus soutenu du 25 au 30 juin.

 

Depuis, la baisse du débit de l’Odet est plus rapide que celle de la courbe de tarissement et tend à la rattraper. Les fortes températures ne jouent pas de rôle dans cette baisse.

 

Qu’en conclure ?

Dans les faits, seules des pluies importantes (on a vu qu’il faut 4 à 5 mm de pluie pour provoquer une réponse) et répétées peuvent éviter un étiage sévère, moins de 15 mm dans les cinq jours à venir n’apporterons quasiment aucun débit à la rivière.

 

Si ces pluies ont été bienvenues pour l’agriculture et les jardiniers, avec un cumul de pluies d’un peu plus de 50 mm en 15 jours, au final elles représentent la moyenne d’un mois de juin complet et si certains se sont rassurés un peu vite pour la ressource en eau, c’est qu’ils ne savent pas que le débit va décroître rapidement et rejoindre… la courbe de tarissement. Pour rappel, a titre de comparaison, en 1976, des ondées non négligeables avaient permis de retarder à la fin juillet la période de crise.

 
Sachant que les prévisions météorologiques à une semaine ne prévoient pas de pluies. Le débit seuil d’alerte devrait donc être franchi vers le 14 juillet. Que sera l’étiage 2022 ? Le risque est grand qu’il soit sévère, aussi marqué qu’en 1976.

 

Et ailleurs en Bretagne ?

On peut effectuer le même travail pour d’autres cours d’eau, sur les stations de mesure de très bonne qualité avec un historique si possible d’au moins 30 ans. Le travail préparatoire n’est pas négligeable pour déterminer les conditions de tarissement. Mais il serait possible de suivre une quinzaine de sites à moyen terme.

 

A ce jour (08 juillet 2022) la situation est plus grave à l’est d’une ligne Vannes-Saint Brieuc, où les eaux souterraines sont globalement très peu abondantes, et la pluviométrie sensiblement plus faible ! Nous nous dirigeons vers un été et un automne compliqué pour l’alimentation en eau potable et pour la biodiversité de nos rivières.
 

 

Envie de tout comprendre à la question de la ressource en eau ? Revivez notre formation du 15 juin dernier sur le sujet

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