Pollution : des "accidents" de plus en plus prévisibles

09 septembre 2019
Pollution : des

Entre théorie administrative et constat sur le terrain l’écart se creuse. Les rivières du Finistère payent le prix fort. Eau et rivières de Bretagne ne s’y résignera pas.

 

La semaine dernière Eau & Rivières de Bretagne et ses associations membres se sont émues des pollutions successives qui ne cessent de détruire nos cours d’eau. Nous nous demandions « Laissera t'on crever les rivières finistériennes ? ».

 

Question prémonitoire ?

Dans la nuit du vendredi à samedi la Mignonne a, une fois de plus, été détruite par une pollution de lisier brut. Ironie du sort, la veille, l’AAPPMA de Daoulas était en train de superviser une pêche électrique de cette rivière afin de dresser un état écologique suite aux deux précédentes pollutions de l’été (pollution au lisier au mois de juillet et pollution d’une station d’épuration au début du mois d’août). Les résultats de cet inventaire peuvent directement être mis à la poubelle. Jean Robert Dupont, président de l’AAPPMA de Daoulas dresse un constat accablant : "La rivière a été anéantie, on ne voit même plus le fond".

 

Soulignons que la chambre d’agriculture semble avoir pris enfin conscience du problème en alertant la profession dans une lettre Flash info datée de juin dernier, ainsi qu'en ligne sur son site internet. Comme le rappelle la chambre : 23 cas de pollutions accidentelles de lisier de porcs ou bovins ont été enregistrés depuis le début de l’année 2018 sur le seul territoire du Finistère, soit plus de une par mois en moyenne ! Une seule de ces pollutions anéantit la biodiversité aquatique pour plusieurs années et ce faisant fragilise bien des espèces déjà mises en souffrance par le dérèglement climatique (anguilles, chabots, salmonidés...) ! 

 

L’année dernière, suite à la pollution de la rivière du Jet, la préfecture du Finistère, à la demande des associations, a pu établir des préconisations concernant la sécurité des élevages. Dans le même temps la préfecture a indiqué qu’elle mettait un plan de contrôle renforcé sur 20 installations par an. 20 contrôles alors que plus de 200 sites ont été recensés comme à risque par ces mêmes services de l'Etat ! Des contrôles qui, dans un certain nombre de cas, débouchent sur des préconisations qui sont par définition facultatives et non obligatoires.

 

La responsabilité de la machine étatique

 

En réalité, ces pollutions étaient prévisibles et ne sont pas sur le point de diminuer. Depuis les refontes successives de la législation relative aux installations classées dont font partie les élevages, les moyens de l’État fondent. Depuis 2011, le niveau de sécurité imposé par la réglementation ne cesse de décliner. Dans une volonté de réduction de la dépense publique et/ou de "simplification", l’État a choisi de baisser les exigences de sécurité et le niveau des contrôles réalisés par les agents de l’État, ceci sur un parc agricole vieillissant. C’est bien dans un déni de réalité que les projets d’élevages sont autorisés sans prescriptions adaptées.

 

Quid de la justice ? Aujourd’hui, les tribunaux ne sont pas non plus à la hauteur des enjeux. Le 9 mai dernier un exploitant a été condamné par le tribunal de Brest à payer 750 euros d’amende pour avoir pollué plus de 5 kilomètres de cours d’eau. La semaine dernière le parquet de Quimper a requis une amende de 1.000 euros pour avoir détruit pour la deuxième fois 6 kilomètres de linéaire de cours d’eau. La marge d’ajustement est bien l’environnement !

 

La responsabilité des filières

Au-delà des démarches d'information des Chambres et quelques initiatives des bassins-versants, comment ne pas s'offusquer de voir que des entreprises vendent aux éleveurs sans "assistance", des matériaux (tuyaux, ouvrages maçonnés,...) dont la fiabilité dans le temps pose question, des matériels (pompes, contacteurs, systèmes d'alertes,...) dont la triste actualité démontre que l'aléa dysfonctionnement n'est pas anticipé, ou encore des implantations d'élevages sans bassin de contention en cas d'écoulement de substances polluantes...? A l'autre bout du système, quid de la responsabilité des opérateurs avals qui n'intègrent pas dans leur cahier des charges leurs propres démarches qualité, s'assurant ainsi des bonnes conditions de production au regard du risque pollution des cours d'eau.

C'est bien parce qu'il faut que la Bretagne se donne les moyens de sécuriser ces élevages qu'Eau et Rivières de Bretagne appelle l’ensemble des acteurs concernés à déposer plainte, aux côtés de l’AAPPMA de Daoulas et des autres professionnels de la baie de Daoulas qui ont été durement touchés.

 

Pour Eau et Rivières de Bretagne, il ne fait pas de doute que l’administration, la justice, les éleveurs et leur filière ne se sont jusqu’à présent pas donné les moyens d’enrayer ce flot de pollutions pas si  « accidentelles » finalement !

 

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