Consultation pesticides, la contribution détaillée de notre association

04 octobre 2019
Consultation pesticides, la contribution détaillée de notre association

La consultation publique concernant un projet de décret et un projet d’arrêté relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation se clôt aujourd'hui 4 octobre 2019, après avoir été prolongée de 3 jours. Plus de 50 000 contributions ont été postées. Voici la nôtre.

 

 

Préambule

Selon deux sondages IFOP pour Agir pour l’Environnement1 de mai et d'août 2019, 96 % des français et françaises sont favorables à une interdiction d’épandage des pesticides à moins de 150m des bâtiments servant d’habitation ou de lieu de travail, et 89 % souhaitent une interdiction totale des pesticides de synthèse d’ici 5 ans. L'association Eau & Rivières de Bretagne soutient, elle aussi, cette interdiction des pesticides de synthèse d’ici à 5 ans.

 

Les actions volontaires comme celles proposées dans le cadre du plan Écophyto ont rapidement atteint leur limite. Même si elles ont permis grâce aux fermes DEPHY de confirmer que la réduction de l’usage des pesticides était accessible à tous, elles ont été insuffisantes pour permettre d’atteindre les objectifs, portant plusieurs fois reportés, des plans Écophyto, quelque soit la version. Pour rappel, l’objectif en 2008 était de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 10 ans... Nous sommes en 2019 et l’usage des pesticides n’a pas baissé. Pire encore, les différents bilans annuels ne montrent aucun infléchissement de l’utilisation des pesticides sur notre territoire ! Et le dernier bilan fait état d’une augmentation de 12 % au niveau national...

 

Même si nous demandons l’arrêt de l’usage des pesticides de synthèse le plus rapidement possible et a minima dans les 5 ans, restreindre l’usage des pesticides peut être une étape intéressante pour atteindre cet objectif et limiter l’exposition des populations et de l’environnement à ces toxiques.

 

1- Sur le projet d’arrêté relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation et modifiant l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L.253-1 du code rural et de la pêche maritime :

 

  • Concernant l’application des réglementations en vigueur

    Le projet d’arrêté prévoit de nouvelles distances limites d’application des pesticides parmi celles déjà en vigueur. Néanmoins, certaines limites comme celles concernant les zones non-cultivées adjacentes (protection des arthropodes non cibles et de la biodiversité) ne sont pas ou peu mises en œuvre. Ces mentions figurent uniquement sur l’étiquette des produits : elles devraient trouver leur place dans cette nouvelle mouture de l’arrêté du 4 mai 2017.

    Nous demandons l'application stricte et l'intégration au nouveau texte de ces zones non cultivées adjacentes.

     

  • Concernant la cohérence des réglementations

    Le projet d’arrêté prévoit que tous les produits phytopharmaceutiques soient concernés par des distances limites d’épandage à proximité des lieux habités à l’exception des produits de biocontrôle, des produits composés uniquement de substances à faible risque et des substances de base. Si tous les utilisateurs professionnels de pesticides n’étaient pas concernés par cet arrêté, il y aurait une incohérence majeure.

    Nous demandons à ce que ces restrictions s’appliquent à tous les utilisateurs professionnels : agriculteurs, collectivités, gestionnaires de voiries et réseaux ferroviaires, forestiers, professionnels du paysage…

    Les particuliers n’ont, depuis le 1er janvier 2019, plus accès à un grand nombre de pesticides, mais peuvent néanmoins faire appel à un prestataire professionnel (ex. entreprise du paysage) pour faire appliquer ces pesticides sur leur propriété. Ainsi, on se retrouve dans une situation où un pesticide pourrait être épandu par un professionnel chez un particulier, mais ne pourrait pas être épandu par un autre professionnel à proximité de cette propriété.

    Nous demandons donc que toute application de pesticides dangereux chez un particulier, sur un terrain en copropriété ou appartenant à une collectivité, soit interdite, que ce soit par le particulier, les services de la commune (comme c'est déjà le cas) ou par un professionnel prestataire.

    De la même manière, dans ce projet, les pesticides utilisables en agriculture biologique sont concernés par des distances d’épandage à proximité des lieux habités alors qu’ils peuvent être utilisé par les particuliers eux-mêmes.

    Nous demandons l'harmonisation des réglementations pour protéger les personnes et l'environnement des produits toxiques.

     

  • Concernant l’intensité des pluies pendant et après l’épandage

    Le projet d’arrêté prévoit dans son article 3, la possibilité d’épandre des pesticides lors d’épisodes pluvieux allant jusqu’à 8mm par heure. Météo France2 indique qu’une pluie entre 4 à 7 mm par heure est une pluie considérée comme modérée et à partir de 8 mm par heure, une pluie forte. Même si nous ne pouvons que saluer la prise en compte de la pluviométrie dans un arrêté encadrant l’usage des pesticides, il est bien dangereux pour les milieux aquatiques de tolérer des applications de pesticides sous des pluies fortes.

    De plus, à l'instar des limites d’intensité de vent, ces mesures sont très difficiles à appliquer : ni les modalités de calcul des mesures, ni les références pour les prévisions météorologiques se sont précisées, sans parler de la finesse géographique des prévisions. Sans ces précisions, ces restrictions d’usage en fonction de la pluviométrie seront impossible à appliquer et impossible à contrôler.

    Par ailleurs, les contextes pédo-climatiques étant très variés en France, les impacts sur l'environnement d'une pluie de même intensité sera variable d'un endroit à l'autre.

    Nous demandons une réduction de l'intensité maximale des pluies pour l'épandage des pesticides, ainsi que des précisions quand à la mesure et au contrôle de ce paramètre.

 

  • Concernant les justifications des mesures de protections des populations

    Les mesures proposées s’appuient sur un avis de l’Anses daté du 14 juin 2019, qui est très partiel : l’exposition des femmes enceintes n’y est pas prise en compte, ni l'effet cocktail, et seule la dérive des pesticides lors des épandages est prise en compte alors même que d’autres phénomènes de dispersion entrent en ligne de compte une fois le produit appliqué (volatilisation depuis la plante ou le sol).

    L’avis de l’Anses précise d'ailleurs que les distances qu’il préconise sont des distances minimales : il ne doit donc pas être possible d’en choisir des plus faibles ou d’y déroger.
    Au vu du manque d'appui scientifique sérieux des projets de texte, nous demandons de prendre des mesures de protection des populations plus restrictives, et de compléter rapidement les références scientifiques par une expertise scientifique indépendante permettant de s'assurer de leur bien-fondé.

 

  • Concernant les distances limites d’application des pesticides à proximité des habitations

    Popularisée par le maire de Langouët, appuyé par de nombreux citoyens et organisations, nous soutenons une distance limite d’application des pesticides à 150m des habitations. Cette distance ne serait qu’une mesure transitoire avant la fin de l’usage des pesticides. Il s’agirait sur ces espaces de saisir l’opportunité d’y pratiquer une agriculture sans pesticides, mais néanmoins productive. Ces espaces exploitables par l'agriculteur serviraient par ailleurs de zones tampons à proximité des lieux habités.

 

  • Concernant la protection des utilisateurs

    Le texte proposé introduit la possibilité de déroger au délai de rentrée sous réserve du port des équipements de protection individuelle. Ces équipements révèlent pourtant des faiblesses et ne protègent que partiellement l'utilisateur de pesticides.

    Pour notre association, cette dérogation au délai de rentrée doit disparaître du texte, afin de protéger au mieux et rapidement la santé de toutes les personnes travaillant sur des zones traitées.

     

  • Concernant les restrictions d'épandage de pesticides :

    Au vu du scandale sanitaire latent et dans le cadre de la responsabilité de l'Etat en terme de protection des populations et de l'environnement, le texte n'est pas suffisant et devrait proposer immédiatement des mesures supplémentaires de restriction de l'usage de ces produits dangereux : interdiction des méthodes d'épandage les plus impactantes, interdiction d'épandage sur zones humides, etc.

 

 

2- Projet de décret relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation

 

  • Concernant l’équité de telles chartes

    Le projet de décret prévoit d’organiser la régression de la réglementation nationale grâce à la signature de chartes locales. Nous ne sommes pas favorables à de telles chartes allégeant la réglementation, qui devraient plutôt permettre d’aller plus loin que les contraintes réglementaires nationales !

    Par ailleurs, il ne serait pas concevable que des populations à l’intérieur même d’un département ou d'une même région n’aient pas le même niveau minimal de protection.

    Nous demandons à ce que le projet d’arrêté établisse le cadre minimal encadrant l’application des pesticides à proximité des habitations sans possibilité d’y déroger. Des chartes, qui n'ont aucune valeur réglementaire (donc ni contraignantes, ni contrôlables, ni sanctionnables) pourraient venir localement renforcer les mesures nationales en vigueur, et ainsi renforcer la protection des populations et de l’environnement.

     

  • Concernant l’élaboration des chartes et l’organisation des concertations

    Le projet de décret prévoit de confier l’élaboration des chartes aux organisations représentant des catégories d’utilisateurs opérant à l’échelle du département ou, dans la cas des usages agricoles, les organisations syndicales représentatives ou par la chambre d’agriculture compétente. Si l’on peut penser que ces différentes organisations connaissent bien les méthodes d’applications des pesticides, c’est une gageure que de penser qu’elles maîtrisent les aspects sanitaires en lien avec l’exposition des populations à ces produits.

    Par ailleurs, proposer l’animation de la concertation à ces organisations risque d’exacerber des rapports de force dans les campagnes.

    Pour notre association, l’État doit prendre ses responsabilités et protéger ses concitoyens, en organisant la concertation autour de ces chartes avec tous les acteurs concernés (utilisateurs, riverains, élus...) et en endossant le rôle de médiateur.

 

 

Conclusion

Nous demandons l’interdiction totale de tous les pesticides de synthèse dans un délai incompressible de 5 ans pour les agriculteurs et professionnels du jardinage, ainsi que pour les collectivités dans les cimetières et les terrains de sport, mais aussi pour les entreprises et gestionnaires de réseaux routiers et ferroviaires, sans possibilité de contournement de la loi.

 

Pour le monde agricole, nous demandons que soient prises des mesures fortes tant techniques que financières pour accompagner le changement des pratiques agricoles vers une transition écologique. Pour ce faire, la réforme de la PAC en cours est une réelle opportunité pour réorienter les aides vers une transition agro-écologique effective, produisant enfin des résultats : des aides du premier pilier strictement conditionnées à des pratiques respectueuses de l'environnement et de la santé, un rééquilibrage conséquent des budgets vers un 2ème pilier plus efficace doté de réels moyens permettant de transformer les systèmes agricoles en place, etc.

 

Pour notre association, sans modifications, le nouveau texte ne permettra pas de répondre aux enjeux de protection de la santé publique et de la santé des utilisateurs de ces produits, ni aux enjeux de protection de l'air et de l'eau. Si l’on veut améliorer la qualité de l'eau, protéger notre territoire, sa faune, sa flore et ses habitants, il faut que cette interdiction des pesticides de synthèse soit inscrite dans la loi.

 


1https://partage.agirpourlenvironnement.org/s/pesticides-sondage-exclusif-ifop-agir-pour-l-environnement/

https://partage.agirpourlenvironnement.org/s/sondage-exclusif-ifop-96-des-personnes-interrogees-soutiennent-lidee-dinterdire-les-pesticides-a-150-metres-des-habitations/

2http://pluiesextremes.meteo.fr/france-metropole/Intensite-de-precipitations.html

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