Biocides, des pesticides qui ne disent pas leur nom

25 avril 2018
Biocides, des pesticides qui ne disent pas leur nom

Quand on parle de pesticides, on pense surtout aux produits utilisés dans les jardins ou dans les champs. On oublie souvent les biocides utilisés au sein même de nos logements.

 

Qui sont les biocides ?

L’autocollant anti-mouche collé à la fenêtre, le shampoing anti-poux, le collier anti-puce du chien, les produits de traitements des charpente, le démoussant pour la toiture… Tous ces produits contiennent des biocides. Et, bien que composé du préfixe bio-, ils n’ont rien de naturel. Ces produits peuvent être tout aussi nocifs pour la santé humaine et l’environnement que les pesticides utilisés dans les champs.

 

Des produits nocifs pour la santé humaine

Preuve en est, des résultats publiés dès 2015 et issus du suivi mère-enfant réalisé en Bretagne depuis 2002. Après avoir suivi leurs mères lors de leurs grossesses, les chercheurs se sont intéressés aux enfants âgés de 6 ans. Des prélèvements d’urines et de poussières avaient été effectués aux domiciles des 287 couples mère-enfant étudiés ainsi qu’une évaluation des performances neuro-cognitives de l’enfant. Les résultats montraient qu’une augmentation de la présence de certains résidus de biocides dans l’urine des enfants était associeé à une baisse significative des performances cognitives de celui-ci.

Même si ces observations méritaient d’être reproduites par d’autres études afin que les chercheurs puissent définitivement conclure, elles mettaient en évidence un danger potentiel à l’exposition de la population à de faibles doses de ces produits.

 

Des produits nocifs pour l’environnement

Les biocides sont aussi dangereux pour le milieu naturel et plus particulièrement le milieu aquatique. En décembre 2016, suite au déversement dans l’égout, de l’eau de rinçage d’une cuve ayant accueilli un produit de traitement de façade, une forte mortalité de poisson avait été constatée dans deux ruisseaux tout proches. Sur presque 1 kilomètre de cours d’eau cumulé, des poissons morts avaient été découverts. Des poissons morts non par asphyxie, comme souvent dans les rejets de matières polluantes, mais faute à une action corrosive importante des produits. L’entreprise morbihannaise Logiservice a été reconnue coupable de cette pollution par le tribunal de grande instance de Nantes, le 17 avril dernier. Elle a écopé de 8000€ d’amende dont la moitié avec sursis.

 

La nécessité d’une réglementation plus stricte

Parmi d’autres déjà connus, ces faits viennent confirmer la nécessité d’un encadrement plus strict de ces produits. En effet, la réglementation distingue biocides (« protection » des biens et des personnes) et produits phytopharmaceutiques (« protection » des cultures). Par exemple, les arrêtés d’interdiction d’application de produits à moins d’un mètre des fossés ne s’appliquent pas aux biocides. Pour rappel, certains biocides sont composés des mêmes substances qui étaient épandus dans les champs. Le diuron est l’une d’elle ; interdite comme désherbant parce qu’elle migrait trop facilement vers le milieu aquatique, elle reste autorisée comme produit de protection des façades…

Alors même que la publicité pour les désherbants* est interdite, elle reste autorisée pour les démoussants pour façade et toiture.

Alors même que les pesticides sont interdits à proximité des cours d’eau, des fossés et des points d’eau, rien n’est dit pour les biocides.

Alors même que les jardiniers amateurs n’auront plus accès à certains pesticides, ils pourront toujours pulvériser de l’anti-mouche dans leur salon.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, la commission économique  de l'assemblée nationale vient de proposer de s’inspirer de la réglementation qui encadre les produits phytopharmaceutiques (interdiction de certains produits dont la nocivité est avérée pour la santé humaine et l’environnement à la vente en libre-service aux amateurs, interdiction de publicité, conseil sur les dangers et les alternatives lors de la vente, interdiction des promotions commerciales…) pour l’appliquer aux biocides. Certainement une bonne idée.

 

En savoir plus sur la cohorte Pélagie

Lire les propositions de la commission économique surle projet de loi sur l'agriculture

* Sauf produits de biocontrôle, voir la fiche Connaître et agir à ce sujet